samedi 17 septembre 2022

De quoi sommes-nous faits…?

Lors de mes introspections, quand je reviens sur mes conduites, mes choix, mes postures. Ou simplement ma façon d’aborder le monde. Je réalise qu’une part importante de ce qui les a déterminés, ne peut être le seul résultat d’une éducation ou les conséquences des seuls événements de ma présente vie. À l’observation, ce qui me détermine semble découler d’expériences antérieures dont je n’ai gardé que les acquis. Comme si le récit oublié de mes temps précédents, n’avait pas effacé en moi l’évidence des conclusions de ce vécu. Me laissant en bagage des aptitudes innées, des capacités spécifiques, mais aussi des déficiences et des questions à éclaircir.  Ce qui me détermine semble souvent être lié à une histoire dont j’ai oublié les éléments anecdotiques, mais dont je garde une mémoire abstraite et opérante.

Arrivé à un âge, on réalise qu’une vie ne change que très peu la réalité d’un individu. Les gens apprennent juste à tromper les autres ou à se tromper eux-mêmes. Derrière les apparences et les mises en scène, la réalité du chemin parcouru est infime. Au regard de cette dérisoire progression, qui évidemment ne se mesure pas en termes de statut, de richesse ou de célébrité. Il est aisé de comprendre, que ce que nous sommes est le résultat d’une longue évolution originale, dont il faut chercher les racines bien avant notre présent horizon de vie. La conscience particulière qui nous habite ne s’est pas construite en quelques décennies. Nos bagages sont là, ils sont les témoins de la longue histoire de nos cycles. Ils ressemblent à ce que nous sommes en profondeur. Il est bon de retrouver ses bagages, de les reconnaître, de savoir qu’ils nous appartiennent. De comprendre que la clef est dans toutes ces choses que nous portons en nous. Car apprendre à se distinguer semble bien être l’enseignement premier de l’expérience de vivre. 

Se distinguer, se voir, se découvrir, s’apprendre, se reconnaître. Nous sommes faits roi, qu’en faisons-nous ? 

Notre libre arbitre à la barre, que produit le voyage ?

Le cadre de nos renaissances en dit long sur nous-même, comme ceux qui vont nous y entourer.

Ce monde est peut-être celui où se révèlent nos désordres. En attendre perfection, bonheur et équilibre, c'est un peu comme croire qu’un tigre peut se convertir à la salade de légume. Ce qui ne veut pas dire que l'on doit se plaire dans le désordre, car nous sommes probablement là pour apprendre à nous en libérer. Cette quête revient à chacun, dans la réalité de soi, plutôt que dans la réalité de l'autre. C'est pourquoi se focaliser sur les erreurs de nos géniteurs, de nos conjoints, de nos enfants, de nos proches, cela peut vite devenir un piège à l'égarement. C'est par nos actes, nos pensées, nos paroles, que nous construisons notre cycle. Dans cette vision, ordre et désordre ne peuvent se traduire par bien et mal, ou bon et méchant. Ici les mots me manquent pour exprimer ce que je perçois de la nature non dual de ces contraires. Le seul qui me vient à l’esprit est celui de sérendipité, cette aptitude à saisir l’utilité des hasards et de l’inattendue. Hasards qui au premier abord peuvent prendre la forme de blocages, de contre temps, d’échecs, de contrariétés. On peut le reformuler en disant qu'il y a de la chance dans la malchance et de la malchance dans la chance. 

Il faudrait envisager nos existences bien au-delà de nos présents horizons de vie, porter un regard différent sur celles et ceux qui nous entourent, comprendre que ce que nous sommes nous incombe, que ce que nous produisons nous appartient, que notre histoire relève en profondeur de nos propres choix, dans le cycle des renaissances. Notre serpent se mord la queue…

La sérialité dit que notre cycle de renaissances nous amène vers les mêmes personnes, mais dans une histoire où les rôles ont été redistribués…Parfois dans des postures qui peuvent être opposées à celles déjà vécues en commun… (La mère devient fille de celle qui fut sa fille).

C'est par une observation fine et le plus possible libérée de nos aprioris, que nous pouvons appréhender la dimension niée par notre civilisation et comprendre le pourquoi et le comment de nos cycles. C’est souvent une quête solitaire, car notre époque vit enfermée dans le paradigme
« matérialisme scientifique ».

La vie devient captivante dès que l'on comprend que nous sommes les artisans de notre propre histoire à travers nos arrivées et nos départs… Ceux qui nous entourent sont à recevoir avec un nouveau regard, ils sont liés à nous et nous sommes liés à eux. Nous sommes intriqués. 

C'est en observant de manière authentique le rapport que nous entretenons avec eux : nos divergences de circonstance, nos similitudes inavouées, nos intolérances, que l'on peut avancer. Les percevoir comme une chance, celle de nous aider à comprendre ce que nous sommes… Au-delà des masques. On pourrait presque dire que ceux qui nous entourent ont quelque chose d'immanent (qui est contenu dans la nature de notre être, plutôt qu’en provenance d'un principe extérieur).

Un des leurres les plus prégnants de l'existence est de voir un extérieur là où il n'y en a pas.

Écrit par Bruno Teste

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mercredi 29 septembre 2021

Une histoire d’arbres

Au détour d’un chemin, sur le surf d’une crête rocheuse ou dans les abysses d’une forêt inconnue nous n’avons pu, à un moment donné de notre existence, échapper à un petit instant de grâce et d’infini, d’entrebailler la porte de nos consciences perceptives sur la tribu des arbres. 

Ici à Petit-Terrus – dit « Ravines d’Aigues belles » chaque arbre a son histoire. Rassures toi je ne les connais pas toutes et je me contenterai de te raconter celles qui s’inscrivent dans le bref interlude de notre présence sur ce plateau sec et riche en terre trop amoureuse. 

Pour pouvoir te les représenter dans le sens étymologique du terme car tu en connais certains, je les ai regroupés ainsi.

Honneurs à ceux qui nous précèdent. Les anciens. 

Sous la maison, au levant, s’est installé en colonisateur un lierre en majesté.




Gardien de la mémoire du vallon il ne faudrait pas grand-chose pour qu’une fois installé à l’intérieur de son buisson nous puissions remonter le temps pour écouter les joies et les peines de celles et ceux qui ont emprunté ce lieu avant nous, qui se sont affairés aux mêmes rocailles, piqués aux mêmes broussailles et attendu les orages d’été, dérobade au espoirs d’une pluie rafraîchissante et salvatrice. Ce lierre, dès mes premières heures de conquête, je l’ai combattu, je l’ai tranché, haché, coupé, broyé, brisé, arraché … et chaque printemps, mes mains ont retrouvé les nouvelles pousses remontantes et jaillissantes, partir à l’assaut des murs, des arbres et des talus. J’ai même fait une tentative d’empoisonnement : la gousse d’ail !

Après avoir percé le tronc de l’arbre jusqu’au cœur avec un vilebrequin, on y place les gousses avant d’obturer avec de la cire d’abeille. 

Ben non, aucun effet et je ne regrette rien, aujourd’hui ce seigneur est toujours là et il garde l’humidité timide devant de nos sécheresses à venir, il nourrit les oiseaux d’hiver, protège les insectes des grands froids, maintient les restanques de pierre sèche dans une cote de maille végétale et c’est bien ainsi, déclarer la paix ça me va et lui, on dirait qu’il s’en fout.


Un peu plus loin en pointant quelques pas vers le nord s’est épanoui un énorme tilleul. Aux siennes, sont égales, le même nombre de pleines lunes qui ont baigné les nuits depuis ta naissance.


Planté par le père de l’ancien propriétaire. Depuis quarante-deux ans à l’embrasser, mes mains ne s’y sont jamais rencontrées. Au tout début de l’été, ce roi du vallon nous inonde des senteurs de ses fleurs. Chaque matin nous pourrions assister au festival de rock and piaille de piaffes plus délurés qu’une cohorte de nonnes sortant d’un concert d’Elvis. Il faut attendre le soir entre chien et loup, que s’installe la star du site, notre Pavaroti cantonal, le rossignol. Il finira par céder sa place, plus tard dans la nuit, à la patiente hulotte, intermittente du spectacle. 

En remontant vers le nord, toujours sur ce versant Est de notre petit territoire, tu le sais, j’ai construit sur pilotis un grand Dojo pour y pratiquer la calligraphie gestuelle et apaisante du Taïchi chuan. Je me suis faufilé entre deux poiriers sauvages aux épines défensives, sur la pente du rocher, pour construire ce bateau qui aujourd’hui ondule les jours de vent à la cime du bosquet d’aubépines et d’églantiers.




L’un des poiriers était malingre et chétif, l’autre son aïeul, tortueux et modelé par les vicissitudes de son existence. Il semble avoir traversé toutes les guerres et toutes les misères. Au regard de ce bonsaï grandeur réelle, le silence et le respect s’impose. Lors de la mise en place de ce Dojo, il a eu toute mon attention et je l’ai contourné en lui gardant sa place jusqu’à ce qu’il fasse corps avec le bâtiment et s’y imbrique. J’en ai contourné ses branches hautes et maintenant certaines se reposent sur la toiture. De ne pas l’avoir amputé avec indifférence il m’en sera reconnaissant et me prodiguera sa protection.

L’autre, le malingre, en vis-à-vis au pied des pilotis, a crû tellement que son houppier a développé un salutaire ombrage. Il m’abrite pendant toute la saison chaude du soleil et des vents chauds. Je le taquine un peu dans l’hiver et lui taille quelques rejets pour que la lumière des rayons hivernaux perce la densité de sa tignasse acquise au cours de l’année.

Tout autour, je ne peux oublier tous ces petits pruneliers sauvageons aux fruits âpres et acides qui profitent, dès que tu as le dos tourné, pour se déployer en petits gangs agressifs et provocateurs. Dire que derrière leurs pointes effilées et traversantes ils sont les ancêtres de nos douces quetsches, reine claudes et mirabelles. 

 Puisque nous avons l’eau à la bouche, je n’oublie pas cette magnifique treille qui orne de ses volutes végétales la façade au plein Sud de l’ancienne maison du maître.

Difficile de lui donner un âge, toujours fidèle à chaque automne, elle nous confie ses perles vertes par grappes denses ou parsemées à qui veut bien y goûter. D’abord, les guêpes puis les abeilles et les frelons nous donne le signal de sa maturité, et là il est temps de ramasser son raisin au sucre acidulé, mêlé en retour d’un goût de tendre bois vert. La provision de ce jour de ramassage à l’entrée d’un automne fauve est toujours rassurante, les cagettes de raisin s’empilent dans le placard grillagé de la cave encore fraîche, et je sais alors qu’un jour de neige ou de bise aigüe, je descendrai chercher l’une d’entre elles pour ravir mes pensées et mon estomac d’une sustentation sobre et autosuffisante.

Voilà pour les anciens et ce n’est pas rien !

Maintenant place aux « p’tits jeunes » les nouveaux, ceux qui s’accrochent et résistent, ceux qu’on accompagne et qu’on parraine avec espoir de les voir s’épanouir et de prendre leur autonomie.  

La première tentative de boisement et de repiquage de spécimens susceptibles de s’adapter à notre ambiance ibérique est devenue une véritable étude historico-phytologique. Depuis 35 cycles annuels, certains arbres ont eu la chance et la force de se développer à leur mesure, et d’autres, sous la contrainte d’un climat rigoureux et d’un environnement austère parfois agressif, ont bien du mérite à exister sur le plateau.
Les Dupont, deux marronniers de 35 ans et pas plus grands qu’un chêne pubescent. 
















A la fin juillet lorsque les vents chauds de l’après-midi s’installent, leurs feuilles commencent à roussir et finissent par se clairsemer, si bien qu’à la mi-août, ils sont les premiers à se trouver dans une situation fort impudique. On pense alors qu’ils se mettent en dormance pour ne pas révéler leur désarroi à leurs voisins les buis. Eux, par contraste, garderont leurs costards toute l’année. Et bien non, cette année, à la mi-novembre c’est du jamais vu, les Dupont ont réaffirmé leur jouvence après une vague de chaleur humide, les bourgeons ont explosé et leurs fleurs se sont dressées avec hardiesse pour se brûler aux premières gelées d’automne.

L’érable du parking « Monsieur Grand Courage ». 35 ans et beaucoup de visiteurs au compteur. 

Les premiers sont les béliers et les alpagas lorsqu’ils s’échappent du corral, ils se dirigent immanquablement vers la denrée de ses jeunes pousses et en apprécient certainement leur douceur. Les autres sont parfois plus brutaux : véhicules de toutes marques et de tout type, tracteurs agricoles, motos, portières, pare-chocs, avancés ou reculés avec hâte ou sans discernement pour cet intrus végétal. Une fois même, c’est le souffle puissant des palles d’un hélicoptère « Puma » qui lui ont ébranché toute la partie supérieure, c’était le jour de la « grande frayeur », le jour où tous les arbres du hameau ont vu sur le versant de l’ubac, le monstre de flammes dévorer un à un chaque congénère sans rémission, alors il a bien fallu y laisser quelques branches pour que les pompiers puissent se poser et se ravitailler en kérosène avant de repartir au largage de big-bag de sable et d’eau colorés. Maintenant, il a compris, il se déploie en buisson, il a abandonné l’idée de dominer le parking et d’y déployer l’ombrage de ses ramures.

Le tilleul du plateau a été planté avant la naissance de Léna. Pas de bol c’était pas la bonne place, mais il essaye quand même. Un automne, il a séché sur place, je lui ai donc coupé le tronc mort et le printemps suivant, une nouvelle pousse est apparue, depuis il essaye toujours. C’est fastidieux mais bon, petit à petit il reprend son espace tout comme son ami le ginkobiloba toujours aussi frêle depuis sa mise en terre, on avait pourtant mis deux agneaux mort-nés au fond du trou sous quelques cailloux et gravier ; soit disant selon le manuel de 1907 de l’almanach Vermot, ça devait être spectaculaire pour sa croissance…les années ont passé et toujours rien que l’herbe qui verdoie et le soleil qui poudroie.



Il y a ceux qui profitent. 





Le petit merisier que je suis allé déterrer à la ruine de Sainte-Catherine, puis repiqué avec son compère, qui hélas n’a pas survécut. Lui, depuis que j’ai construit la serre en amont de son logement, il n’a cessé de se répandre, il faut dire, monsieur, que chez ces arbres-là, monsieur, on ne prie pas non, on ne prie pas, on prend, et là où c’est possible. Et c’est dans la serre que ça se passe, difficile de ne pas craquer à l’humidité constante des arrosages alors on envoie quelques racines et radicelles pomper cette manne appréciable les jours de gosier sec.



Tout comme le pêcher de vigne, qui était en compétition avec ses dix frangins, des dix noyaux, germés, jaugés, repiqués, protégés, arrosés, amendés, il est le seul et unique à avoir gardé son jeu de jambe. Pareil à son ami le merisier, il profite lui aussi, mais cette fois c’est le compost qui est en amont et c’est encore plus juteux et prometteur pour les pêches de nos rêves. 


Je repars sur le plateau car j’avais oublié ce prunier brossé par les vents dominants. Avant il était abricotier, puis tout s’est inversé, l’abricot s’est transformé en prune, le rejeton s’est imposé sous la greffe et lui a détourné sa sève pour se refaire au dépend de son implant… compliquée son histoire.


J’appellerais ça un retour aux origines du genre. Toujours le premier à offrir le miel de ses fleurs aux abeilles printanières, mais le retour de la gelée noire brûlante de notre plein ciel est implacable. Sauf qu’un jour nous avons eu la primeur d’une récolte totalement inattendue, de petites prunes vermeilles au noyaux acidulés, mais rien qu’une fois, pour dire je peux le faire.

Il y a ceux qui se sont installés comme des parvenus, ils n’ont rien demandé et on les a laissé faire. 

Ce sont les plus vivaces car ils ont trouvé leur place ou plutôt, pour eux, l’adresse est bonne, alors pourquoi se compliquer la vie, il n’y a que du bon à prendre et à donner. 

Le plus impressionnant c’est le pommier de derrière la maison, au pied du mur en plein nord, un vrai cadeau de la terre ou du ciel.


Après des années de tranquillité, d’accompagne-ment en taille pour lui sculpter sa houppe parasol, il nous honore à chaque automne de sa vieille variété de reinettes safranées. Cueillies avec délicatesse elles iront en cagette répandre leur parfum de cidre à la cave, au côtés des grappes de raisin déjà endormies. 



Et puis, cet improbable poirier, lui, il a décidé de sortir entre l’angle sud-ouest de la maison et le bord du chemin passant. Les pieds dans le drain du mur. Je suppose que son intrusion a été motivée par une mission, celle de se développer pour limiter la colonisation racinaire du bambou que nous avions repiqué un jour d’exotisme. Après avoir profité de la protection de son hôte, je le laisse croître et le bambou recule. Avec mon ami Jean-Claude nous l’avons un jour décapité. Le challenge était de lui greffer deux variétés, une poire William pour la gauche et une poire Sarteau pour la droite, et le voilà bilingue. En implorant la clémence du gel printanier nous avons donc une chance sur deux, voire deux sur deux, de récolter.

Bon voilà je t’avoue que la liste est incomplète et qu’il y aurait encore de quoi palabrer sur ceux que je n’ai pas appelés. Comme dans le genre humain, chacun est unique et de passage avec son histoire et celle des autres. A vrai dire les plus à l’aise de la tribu ce sont les noyers, eux ils ont tous les atouts pour se développer en toute sérénité. On leur accorde la sagesse d’une végétation tardive et constante, un tanin répulsif pour les concurrent, une ombre humide pour leur propre épiderme et une demande peu exigeante en nutriments.

J’allais oublier, il y a surtout notre amie la rose, celle qui chaque matin nous dit que nous sommes si peu de chose.



Les nôtres sont jaunes et charnues, charmeuses et envoûtantes, elles déposent chaque jour un tapis de pétales, seule trace éphémère de leur vertu passagère, elles suscitent de nouveaux élans dans le ciel levant et à l’automne nous proposent d’oublier par quelques tentatives tardives les longues nuits à venir et les fraîcheurs de l’hiver.




Mais pour tout te dire, celle que je préfère et que j’ai placée en gardienne de l’entrée, c’est l’hélichryse ou immortelle cette petite plante de l’éternel un peu grasse et discrète. 

Les soirs d’été, lorsque l’orage a frappé et que les humeurs de la terre remontent vers les nuées, son parfum de curry embaume la lourdeur de l’air et entraîne nos pensées vers de lointaines contrées.













Écrit par Marc Lavarenne

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vendredi 3 septembre 2021

De la dystopie à la réalité

Qui sont les gardiens du modèle* ? 

Plutôt qu’une sorte de société secrète, il s’agit d’un pouvoir diffus à l’œuvre pour des intérêts convergents, sorte de consensus tacite entre groupes d’influence (ou individus) eux-mêmes parfois en concurrence. 

Ce pouvoir n’est donc pas entre les mains de quelques pilotes suprêmes, il est d’abord dans les  mains de celles et de ceux qui ont un avantage à le maintenir. Tout opposant, aussi élevé qu’il soit, serait éliminé de fait, s’il cessait de respecter les règles fixées par le modèle, car la mise en concurrence et la prédation sont des impératifs inhérents au modèle lui-même. 

*Le terme modèle pourrait être remplacé dans ce texte par « société néolibérale ».

Quelles sont les stratégies des gardiens du modèle pour assurer son maintien ? 

Donner l’illusion que le modèle permet une réussite fulgurante et ouverte à tous les milieux. En médiatisant par exemple le succès et l’enrichissement de vedettes du sport ou du spectacle, ou simplement en exhibant chaque semaine les grands gagnants des jeux et loteries. Le modèle veut par là entretenir le culte de la réussite individuelle et faire l’apologie du vainqueur pour mieux renvoyer les laissés pour compte au rôle de perdants, voir de mauvais perdants s’ils contestent.

Remplacer le sentiment de révolte par le sentiment de culpabilité. En installant l’idée que l’individu est responsable de sa situation d’échec à cause de l'insuffisance de son intelligence, de ses capacités, ou de ses efforts. Ainsi, au lieu de se révolter contre le modèle de société dont il est victime, l'individu s'auto-dévalue et culpabilise, ce qui engendre chez lui un état d'esprit dont l'un des effets est l'inhibition. Cette stratégie est pernicieuse. Surtout dans une société qui organise le chômage et la précarité au bénéfice de richissimes actionnaires. 

Par conséquent, les personnes en difficultés tentent désespérément de s’intégrer dans leur environnement et se sentent coupables et honteux de ne pas y parvenir. Elles remplacent l’indignation et la révolte que le système devrait leur inspirer par une culpabilisation permanente d’elles-mêmes. 

Assujettir l’intérêt collectif à l’intérêt privé en obligeant les états à emprunter aux banques privées. Faire en sorte que les états s’endettent en raison des dividendes qu’ils versent aux banques. Une fois les états endettés et dépendants, les inciter à prendre des mesures en faveur de l’intérêt privé, comme par exemple en faisant voter des lois visant à déréguler les marchés financiers. 

Puis, installer l’idée qu’il n’y a pas assez de richesse et de travail pour tout le monde. Qu’il n’y a pas d’argent pour renflouer les caisses publiques et qu’il faut réduire les dépenses. Alors que dans le même temps, les marchés financiers génèrent des bénéfices records.

Au-delà de la médiatisation incessante de très apparentes oppositions et polémiques de surface, maintenir un consensus tenace pour s’opposer et discréditer tous les discours qui mettraient en danger le modèle dans ses fondements. Donner l’illusion de liberté et de pluralité en diffusant des idées distinctes par leurs formes et en médiatisant allègrement leurs débats contradictoires, faisant ainsi oublier qu’elles sont identiques sur le fond du fait de leur allégeance au même modèle. Ce qui revient à entretenir le débat et la polémique entre des courants qui ne sont pas de nature à remettre en cause la structure du modèle.

Promouvoir et médiatiser les individus qui neutralisent les idées contraires aux intérêts du modèle. Mais également les individus douteux qui prétendent porter et défendre les idées en question. Ou comment disqualifier une idée dérangeante en la diffusant par la bouche d’individus peu recommandables. Donc, favoriser l’émergence et la mise en exergue des opposants inoffensifs et inopérants. Les livrer en pâture aux médias jusqu’à en faire des boucs émissaires ridicules dont on finit par rejeter les idées (contestataires) par le biais du discrédit jeté sur leurs personnages.

Cultiver les conflits d’intérêts : acheter des autorités ou des célébrités pour les faire abonder médiatiquement en faveur d’objectifs choisis. Orienter les études, les rapports, les enquêtes en les finançant. Financer également les organismes, les offices, les associations, la presse, les partis politiques, afin de se prémunir contre leurs éventuelles attaques. 

Influencer l’opinion par le biais de statistiques en donnant une couleur marginale et minoritaire aux idées et positions qui contredisent le modèle tout en valorisant les idées ou positions qui le renforcent. Ou mieux, influencer l’opinion par l’omission pure et simple des statistiques qui contredisent le modèle tout en diffusant largement les statistiques qui le renforcent.

S’entendre sur la couleur des choses. Au-delà de l’apparente disparité des acteurs médiatiques et idéologiques, donner en circonstance une version identique des faits. Une appréciation accordée fera sonner toute version différente comme une fausse note. Cela afin d’affirmer majoritairement que ce qui est vert est rouge ou inversement que ce qui est rouge est vert. Ou que ce qui est vrai est faux ou inversement que ce qui est faux est vrai. L’important en définitive est qu’un plus grand nombre de personnes croient et colportent le mensonge. Cela aura pour effet de rendre inopérant les défenseurs du bien-fondé. 

Instaurer implicitement l’autocensure comme conduite recommandée. Que le franc-parler soit relégué au vulgaire et à l’irresponsabilité. Que la pratique du double langage soit signe de haut statut et de bonne éducation. Uniformiser le discours ambiant en disqualifiant l’esprit critique ou toute manifestation qui remet en cause les règles et positions choisis par le modèle. Que les écarts soient caricaturés en les assimilant aux conduites extrêmes. Créer des tabous, des sujets interdits ou des questions à ne jamais aborder en disqualifiant d’emblée les tentatives d’en débattre. Pratiquer l’étiquetage abusif et stigmatisant des teneurs de propos critiques, en s’appuyant sur la masse des individus conformistes qui relayeront activement l’étiquetage de ceux qui sortent des limites de la conduite recommandé. Tels les hérétiques d’hier, leur lucidité passagère sera passée sous silence et reléguée aux oubliettes sous peine de se voir mis au ban par les obéissants aux modèles.

Nos oligarchies déguisées en démocraties donnent apparemment le droit à la parole, mais qui la prend trop librement risque toutes sortes de représailles (Voir comment sont traités les lanceuses et lanceurs d’alertes). Celles et ceux qui ne pratiquent pas assez l'autocensure consensuelle en font l'expérience à leurs dépens. En fait, ce que les élites recherchent à travers cette liberté apparente, c'est notre soumission docile et librement consentie. 

Donner l’illusion de pouvoir et de puissance aux individus à travers les technologies mises à leur disposition par la société de consommation. Rendre ces objets et techniques indispensables au quotidien et mettre progressivement la population en situation de dépendance, voire d’addiction à ces technologies. Marginaliser ceux qui ne suivent pas ou qui refusent de se rendre dépendant de ces objets. En d’autres termes, faire en sorte que les individus n’aient pas d’autres choix que d’adopter les usages choisis par les tenants du modèle. Utiliser ces technologies et objets de consommation pour renforcer le contrôle de la société sur la population.

Installer les esprits dans la position « consommateur » pour amener les mentalités à se corrompre dans l’idée d’acheter au « meilleur prix » sans se préoccuper des salaires et des conditions de travail de ceux qui produisent (à bas prix). Quand dans les esprits l’intérêt du consommateur prévaut, l’idée de produire moins cher est accepté et peut alors s’appliquer au consommateur lui-même, lorsqu’il est à son tour en situation de produire.  Donc d’accepter des exigences de rentabilité ainsi que des conditions de travail et une rémunération revues à la baisse. Ou par cette même logique du « consommateur roi », d’accepter de se voir privé de son travail du fait qu’il peut être exécuté de manière plus rentable ailleurs. 

Diviser pour régner.
Mettre les individus et les populations en concurrence en attisant les rivalités : qu’elles soient ethniques, culturelles, générationnelles, sexuelles, religieuses, politiques, etc. etc. etc. Cliver la société en faisant grand cas des conflits, de manière à focaliser les esprits sur les questions qui opposent plutôt que sur celles qui réunissent. Veiller à maintenir cet état de division pour se prémunir de toute cohésion qui pourrait se retourner contre les élites qui contrôlent et profitent du modèle.

Détourner l’attention générale des sujets vitaux et des questions importantes par la diffusion continuelle d’informations sans intérêt ou de distractions. Cette diversion ayant également pour effet d’empêcher le public de se cultiver, d’acquérir des connaissances essentielles, ou encore de développer sa capacité à analyser et à réfléchir. Faire passer au premier plan l’anecdotique et à l’arrière-plan le vital. Garder les esprits occupés en donnant par exemple une importance démesurée à des faits divers ou des évènements sportifs. Que l’attention générale soit noyée dans un flot permanent d’informations dérisoires ou de divertissements futiles. Ce lavage de cerveau médiatique étant justifié par les bons scores de fréquentation qu’obtiennent ces divertissements ou encore par l’intérêt que suscitent ces infos à sensation.

Les pyromanes pompiers : créer un problème, puis offrir la solution. Cette méthode consiste par exemple à laisser une situation se détériorer. Puis d’attirer l’attention générale sur elle pour susciter une réaction, qui sera insidieusement orientée vers une demande (celle de voir les autorités agir). En clair, on crée d’abord un problème afin que le public soit demandeur des mesures qu’on souhaitait au préalable lui faire accepter. On laisse par exemple s’installer un désordre, en veillant à ce que les médias en relayent les effets, cela pour que le public soit demandeur de sanctions. Ou alors, on laisse sournoisement s’installer une crise financière, dont les conséquences justifieront comme un mal nécessaire : le recul des droits sociaux et le démantèlement des services publics. Ou encore, on amplifie et relaye le sentiment d'insécurité en l’attisant médiatiquement, pour ensuite se positionner en sauveur par la mise en place de méthodes et d’outils sécuritaires. 

Mais, pour imposer, le modèle évite en général la radicalité, les décideurs utilisent plutôt la méthode progressive, en misant sur la durée par petits paliers. De cette manière seront acceptées des mesures qui auraient provoqué un tollé si elles avaient été présentées en instantané. Instillé à petite dose est plus efficace que de chercher à faire tout avaler d’une traite. Pour faire accepter une décision impopulaire, une autre méthode consiste à la présenter comme indispensable, en obtenant l’accord du public pour son application dans le futur. Il est toujours plus facile d’accepter un sacrifice lointain qu’un sacrifice immédiat. Cela laisse le temps au public de se faire à l’idée du changement et de finalement le tolérer avec résignation le moment venu (comme par exemple une réforme concernant les retraites).

Installer la sous-culture : une population majoritairement ignorante est la meilleure alliée de ceux qui veulent contrôler la société afin d’y maintenir leur modèle. Pour cette raison, la détérioration du système éducatif est une arme très puissante pour contrôler les citoyens. Maintenir dans l’ignorance veut dire ne pas donner aux personnes les outils nécessaires pour qu’elles puissent analyser la réalité par elles-mêmes. Leur présenter des données anecdotiques, mais ne pas les laisser connaître les structures internes. À défaut d’éducation, leur fournir des outils abêtissants et encourager les personnes à se complaire dans la médiocrité.
La plupart des modes et des tendances ne sont pas spontanées. Elles sont presque toujours induites et promues. Accaparer le savoir en le rendant difficile d’accès à ceux qui n’appartiennent pas aux castes dirigeantes. Offrir généreusement à la population un déluge permanent de sous-culture.  

Communiquer sur le registre émotionnel pour atteindre l’inconscient des individus afin de mieux les contrôler. Faire appel aux émotions est une technique classique pour court-circuiter l’analyse rationnelle et donc le sens critique. De plus, l’utilisation du registre émotionnel permet d’ouvrir la porte d’accès à l’inconscient pour y implanter des idées, des désirs, des peurs, des pulsions, ou des comportements. Communiquer en ciblant les émotions suscite chez la personne un élan intérieur qui la fait réagir plutôt que réfléchir. Une telle communication cherche à éveiller des sentiments telle la peur, cela afin d’engager instantanément l’individu dans une action. Les peurs sont communes à tous les êtres humains. Elles sont liées à un instinct de préservation physique et psychologique de l’intégrité et de la vie. Elles ont un caractère universel car leur rôle est de nous protéger. Mais elles peuvent aussi être utilisées pour nous influencer. Le message qui tente de manipuler n'invite pas à la réflexion, au contraire, il s’adresse à notre inconscient et cherche à neutraliser notre lucidité. Choquer ! Créer un climat de peur permet de rendre un individu plus réceptif à une idée afin qu’il admette plus facilement la nécessité d’y adhérer. On considère également qu’un niveau de stress permanent et élevé diminue les capacités de réflexion, d’action et d’organisation. 

Un environnement pollué, une alimentation industrielle, une consommation record d’anxiolytiques, un espace saturé d’ondes électromagnétiques, contribue à affaiblir la résistance physique et mentale. Les personnes en état de peur manifestent des réactions de fuite et d'évitement primaires et prévisibles. Les fonctions complexes du cerveau, n'offrant pas de solution immédiate sont désactivées, rendant l'individu manipulable. Le sujet saisi par la peur, tel l'animal poursuivi, ne peut que difficilement éviter les pièges qu'on lui tend. Attentats, violences, agressions, maladies, épidémies, pénuries, autant de danger qui insuffleront des peurs qui pourront être instrumentalisées médiatiquement à des fins politiques.

Verrouiller l’accès au débat. Utiliser l’approbation d’autorités considérées et respectées pour appuyer un choix ou une décision que l’on ne souhaite pas voir débattue. Plus l’appui à de poids et de valeur, plus il sera difficile à quiconque de le contredire. Même s’il s’avère que cet appui n’est pas sans intéressement, ou que la position défendue est justement discutable. Mais dans une telle circonstance, il n’y a précisément plus personne pour alimenter la discussion. Ou alors quelques rares téméraires qui ne tarderont pas à être lyncher médiatiquement. Quant aux profanes, s’ils osent prendre la parole, on leur exhibera savamment un mot fraichement sortie du dictionnaire : l’ultracrepidarianisme, qui désigne la tendance à s’exprimer sur des sujets que l’on ne maîtrise pas. Utilisé aussi bien en référence à des personnes lambda qui donnent leur avis, qu’à des personnes qui donnent publiquement leur opinion dans un domaine qui n’est pas le leur. Autrement dit : « acceptez et dispensez-vous de faire des commentaires ! » 

Semer le doute, cultiver l’incertitude, récolter l’indifférence. Quand le jeu de la désinformation se banalise, qu’il devient une stratégie quelconque, faisant du double langage et de la manipulation des pratiques admises et anodines. Quand les mensonges deviennent usuels et tolérables jusque dans la bouche des élites et des autorités. La conséquence est que la société entière sombre dans l’incrédulité. La population désabusé ne croit plus en rien, les individus ne sont plus en mesure de prendre position et perdent leur capacité à se faire une opinion. Une fois installé dans cette indifférence, alors il devient possible de leur faire admettre tout et n’importe quoi. 

Noyer la population dans un flux incessant de sollicitations et d’infos via les nouvelles technologies. Infos et sollicitations optimisées par les moteurs de recherches grâce à la collecte des données personnelles. Cela afin d’orienter les utilisateurs vers certaines pages sponsorisés ou plateformes d’infos sélectionnées. Autant d’écrans de fumée utilisés à capter les esprits et à les influencer. Ces technologies, vectrices médias et dépendantes d’annonceurs privés, permettent d’orienter les pratiques et les opinions vers les intérêts de ceux qui souhaitent maintenir le modèle. Elles blanchissent par leur pléthore d’accès et d’applications mises à disposition, la propagande permanente et implicite dont elles sont les outils.

Instaurer une société de l’image, de l’apparence, où les descriptions de la réalité sont enjolivées, maquillées, falsifiées. Remplaçant ce qui existe sur le terrain par une communication mensongère diffusée à coup de publications : imprimées, filmées, télévisées, numérisées, etc. De sorte que les avantageuses présentations virtuelles prennent le pas sur les déconvenues et déceptions vécues dans le monde réel. Installer ce jeu de désinformations et de contrefaçon dans les rapports sociaux, entendu que ce qui compte n’est pas ce que l’on est réellement mais plutôt l’image que l’on donne soi. Ce maquillage des faits devenant ordinaire, il devient possible de faire admettre qu’un échec est une réussite ou qu’une mauvaise direction est le chemin à prendre. Dans cette société du paraître, ceux qui disposent des outils de communication pourront substituer leur version aux faits avérés.

Les partisans du modèle créent des images, des messages ou des arguments qui favorisent leurs intérêts particuliers. Ces tactiques peuvent inclure l'utilisation d’erreurs logiques, de manipulations psychologiques, de pure tromperie (désinformation), de techniques de rhétoriques et de suggestions. Elles impliquent souvent la dissimulation d'informations ou de points de vue, la disqualification d'arguments, ou simplement consistent à détourner l’attention ailleurs. L'opinion publique ne peut s'exprimer que par les canaux qui sont fournis par les moyens de communication de masse, sans lesquels il ne peut y avoir diffusion des idées ou des opinions. L’avantage pour celles et ceux qui les contrôlent (y compris quand il s’agit de réseaux participatifs) est qu’ils peuvent exercer leur influence sans avoir à recourir à l'autorité ni à la « bonne vieille méthode » des « récompenses-punitions ». Cette forme d’influence est redoutablement efficace, car elle ne malmène pas en apparence les valeurs d’autonomie et de liberté individuelle. Elle consiste à « faire penser à des publics ce qu’on veut qu’ils pensent, afin qu’ils fassent ce qu’on veut qu’ils fassent ».   
         
Écrit par Bruno Teste.




dimanche 4 avril 2021

Intrusion profane dans le domaine de la psychologie sociale…

On a tendance à attribuer de façon exagérée la causalité des comportements à la personnalité des individus, la psychologie sociale a mis en évidence ce phénomène qu’elle a baptisé l'erreur fondamentale d'attribution  et rappelle par ses recherches la nécessité de prendre en compte le contexte social ou situationnel de tout comportement.

La psychologie sociale étudie comment les attitudes et les comportements des individus sont influencés par les comportements des autres et les caractéristiques du contexte social.

En mettant l'accent sur l'individu au sein du groupe ou de la société, cette branche de la psychologie expérimentale étudie de façon empirique comment « les pensées, les émotions et les comportements des individus sont influencés par la présence réelle, imaginaire ou implicite d'autres personnes ». La psychologie sociale est parfois considérée comme un domaine situé à l'intersection de la psychologie et la sociologie.

En observant l'individu au sein du groupe ou de la société, la psychologie sociale diffère de la sociologie qui elle est centrée sur les groupes de personnes. Cette discipline étudie les processus mentaux à l'œuvre dans les comportements humains lors des interactions sociales. Ces études concernent un grand nombre de situations et de variables souvent présentées sous forme de modèle théorique. J’essaye dans ce dossier d’aller à l’essentiel, en me limitant à une simple restitution des processus mis en lumière par les expérimentateurs en matière de psychologie sociale.

Dissonance cognitive

Les recherches sur la dissonance cognitive s’intéressent aux comportements des individus lorsqu’ils sont confrontés à des informations incompatibles avec leurs croyances, leurs opinions, leurs convictions. Ces recherches nous parlent également de ce qu’il se produit lorsqu’on amène des personnes à agir de manière incohérente avec leur vision du monde. Les études sur la dissonance cognitive rendent comptes des attitudes et décisions prises par les individus durant ce processus. En d’autres termes, la dissonance cognitive désigne la tension interne que ressent une personne lorsque son comportement est amené à entrer en contradiction avec ses idées, son système de pensées, ses croyances, ses émotions, ses attitudes et postures habituelles.

La persistance des croyances réfutées

La dissonance et l’inconfort de la tension qu’elle suscite, peut survenir quand une personne est face à une information qui n'est pas cohérente avec ses croyances. Si la personne ne réduit pas la dissonance en changeant sa propre croyance, elle sera tentée de réfuter et de rejeter cette information, en recherchant le soutien d'autres personnes ou d’autres sources d’informations qui sont conformes à ses propres croyances. Les croyances qui sont partagées par une société ne peuvent être remises en cause facilement. Lorsque des faits vont à l'encontre de ces croyances, il est contreproductif et même parfois risqué de les combattre de manière frontale. 

L'effet produit par la tentative de persuasion peut mener à un résultat inverse de celui attendu. Les croyances initiales sont alors renforcées face à des preuves pourtant contradictoires. 

Recherche de justification interne

Lors d’une expérience ont a demandé à des étudiants de perdre une heure à exécuter une tâche ennuyeuse qui consistait à tourner d'un quart de tour, encore et encore, un grand nombre de chevilles en bois, cette tache ayant été délibérément choisie pour générer un ressenti négatif. 

Une fois cette tâche effectuée, les expérimentateurs demandèrent à certains étudiants de tenter de convaincre un individu présenté comme étudiant (en fait un acteur au service des expérimentateurs) que la tâche fastidieuse qui consiste à tourner encore et encore des chevilles était intéressante. Pour cette acte supplémentaire, certains étudiants étaient rémunéré avantageusement, d’autres étaient très peu payés.

Quand par la suite on demanda aux étudiants d'évaluer la tâche ennuyeuse qu’ils avaient effectuée (hors de la présence des autres participants), les sujets du groupe très peu payé ont évalué la tache de manière plus positive (moins ennuyeuse) que ceux du groupe payé avantageusement. 

Tous les étudiants expérimentés avaient été mis en position dissonante : « J'ai dit à quelqu'un que la tâche était intéressante » et « J'ai trouvé en fait cette tâche ennuyeuse ». Mais ceux qui avaient été mal payés se sont sentis obligés d'être plus en accord avec ce qu'ils avaient dit, car ils ne se trouvaient pas d'autre justification pour avoir agi de la sorte. Ceux qui avaient reçu une rémunération avantageuse avaient une justification externe évidente pour assumer leur comportement et ont donc ressenti moins de dissonance.

Dans une expérience ultérieure, les expérimentateurs faisaient écrire aux participants des essais qui exprimaient des opinions contraires aux leurs. Les personnes étaient rémunérées par des sommes différentes. Les personnes moins rémunérées avaient moins de justifications externes du manque de cohérence avec leurs opinions habituelles, et elles devaient chercher une justification interne pour diminuer le haut degré de dissonance qu'elles ressentaient.

Le jouet interdit

Une expérience a consisté à examiner des enfants qui étaient laissés seuls dans une pièce avec différents objets, dont un jouet particulièrement attirant. Après qu'on ait expliqué à un premier groupe d’enfants qu'ils seraient sévèrement punis s'ils jouaient avec le jouet en question et à un second groupe qu’il serait très légèrement punis. Les expérimentateurs ont constaté qu’aucun des enfants étudiés n'a finalement utilisé le jouet attirant. Ensuite, quand on annonça aux enfants qu'ils pouvaient jouer avec ce qu'ils voulaient, les enfants qu'on avait menacés faiblement utilisèrent moins le fameux jouet. Le degré de punition en lui-même n'était pas suffisamment dissuasif, c'est pourquoi les enfants de ce groupe ont dû se convaincre eux-mêmes que le jouet très attirant n'était en fait pas si intéressant, cela afin de résoudre la situation de dissonance cognitive entre l'attractivité induite par la présence du jouet et la faible menace qui accompagnait l’interdiction.   

Une étude qui a utilisé elle aussi l’expérience du jouet interdit c’est déroulé dans les mêmes conditions mais en diffusant de la musique dans la pièce lors de l’expérience. Le groupe d’enfant moins menacé lors de l’interdiction n’a pas montré moins d’intérêt pour le jouet attractif une fois l’interdiction levée. Les chercheurs en ont conclu que la diffusion de musique réduisait la sensation de dissonance cognitive. Ce n'est pas le seul cas de facteur capable de diminuer la dissonance post-décisionnelle. 

Une étude a montré que le fait de se laver les mains avait le même effet.

Le fait de se laver les mains a été repéré comme réduisant la dissonance, probablement parce que la dissonance engendre une dévalorisation de soi et une atteinte à notre amour propre, aussi symboliquement associée au manque d'hygiène personnelle.

Le libre choix

Dans un autre type d'expérience, des étudiantes ont été chargées d'évaluer une série d'appareils courants. Elles ont été ensuite invitées à choisir un appareil et autorisées à l'emporter chez elles comme cadeau. Dans un deuxième temps, il a été procédé à de nouvelles évaluations et on a constaté que les participantes augmentaient le score de l'objet qu'elles avaient choisi et diminuaient celui de l'objet rejeté.

Ceci peut s’expliqué en termes de dissonance cognitive. Quand on doit prendre une décision,
il y a toujours des aspects de l'option rejetée que l'on trouvait plaisants cela entraîne une dissonance avec le fait d'avoir choisi autre chose. En d'autres termes, la cognition « J'ai choisi X » est dissonante avec la cognition « Il y a des choses qui me plaisent dans Y ». 

La justification de l'effort 

La dissonance augmente quand les sujets s'engagent volontairement dans une activité déplaisante pour atteindre un but. La dissonance peut être diminuée en exagérant le désir que l’on a d’atteindre un but. Une expérience a étudié des individus qui suivaient une initiation (facile ou difficile) pour devenir membre d'un groupe. Les individus dont les conditions d'initiation étaient difficiles jugèrent le groupe qu'ils venaient d'intégrer plus intéressant que ceux qui avaient eu une initiation facile.

Rationalisation et dissonance cognitive

La présence de dissonances cognitives entraînent un conflit intérieur que l’individu va chercher à atténuer. Aussi, afin de trouver un équilibre interne, l’individu va faire en sorte de réduire les dissonances en ajustant ses opinions ou ses croyances à ses actes de façon à rétablir la cohérence de son univers personnel. Cet ajustement est un processus de rationalisation qui est dépendant du contexte de liberté dans lequel l’acte déclencheur a été obtenu. La rationalisation ne s’observe que dans un contexte de liberté.

Cette théorie va à l’encontre de l’idée que l’homme est un être rationnel. L’homme n’est pas un être rationnel mais un être rationalisant. Il est celui qui agit, puis qui pense : ce n’est pas parce qu’il soutient telle position qu’il agit de telle manière, mais parce qu’il a agi (comme il a été amené à le faire) qu’il va adopter telle position. Ce ne sont pas ses opinions qui définissent ses actes, mais plutôt ses actes qui définissent ses opinions.

Conclusions

Une personne qui se trouve confrontée à des informations ou à des réalités qui sont incompatibles avec ses opinions et ses croyances, ressent un état de tension désagréable dit de « dissonance cognitive ». Cet état conduit la personne à développer des stratégies inconscientes ayant pour but de réduire la dissonance et de se rapprocher de l'état inverse dit de « consonance».

Pour réduire la tension provoquée par des éléments incompatibles, une solution consiste à modifier ses opinions et ses croyances pour les mettre en phase avec l'information qui leur est contradictoire (processus de rationalisation).

Le phénomène de dissonance cognitive est lié au fait qu'il est plus difficile pour un individu de modifier des idées acquises depuis longtemps que d'intégrer des idées nouvelles pour lesquelles il ne dispose pas encore d'un modèle ou d'un système de représentation. 

Plus l’éducation menant à des opinions et à des croyances a été difficile, malaisée, douloureuse, voire humiliante, moins l'individu est prêt à remettre en cause la valeur de ce qui lui a été enseigné. Cela signifierait pour lui qu'il s’est investi et qu’il a souffert pour rien.

Toutefois, L’homme n’agit pas toujours rationnellement sur la base de ses convictions, il a aussi une propension à ajuster ses idées à son comportement. Donc pour modifier les idées d’une personne et l’amener à adopter un comportement attendu, faire appel à sa raison et à son intelligibilité n’est pas la stratégie la plus efficace. Il est plus opérant, dans un contexte d’apparente liberté, d’induire chez lui des comportements ou des actes auxquelles ses idées s’ajusteront pour éviter l’état désagréable de dissonance.  

Théorie de l’engagement 

En psychologie sociale, l’engagement est le lien qui relie l'individu à ses actes.
À travers ce lien, la personne est engagée par son acte dans un processus où il va chercher à le justifier en l'attribuant à sa propre volonté. 

La théorie de la consistance comportementale, a pour méthode de regarder le passé pour prédire les agissements futurs d’une personne. C’est le cas typique des CV pour les recruteurs. L’expérience montre que cette théorie n’est pas fiable. Ce n’est pas parce que dans le passé une personne agit de telle manière qu’elle agira de même dans le futur.

En effet, le processus d’engagement peut nous faire prendre des décisions différentes de celles du passé.  Nous pouvons même décider une chose et son contraire face à une même situation. Par exemple, si quelqu’un nous demande de surveiller une valise, il y a 95% de chance que nous stoppions le voleur qui essaye de la subtiliser. Par contre, si personne ne nous demande de surveiller la valise, nous ne sommes plus que 20% à arrêter le voleur. Ceci est dû à l’absence d’engagement.

L’escalade d’engagement est un processus qui consiste à s’accrocher à une décision initiale même si elle ne s’avère mauvaise par la suite. Ce phénomène est d’autant plus à l’œuvre lorsque nous somme à l’origine de cette décision. Bref, l’engagement est un processus sur lequel on a du mal à revenir. 

Origine de la théorie 

Lors de la seconde guerre mondiale, les Américains devaient modifier leurs habitudes alimentaires par souci économique et afin d'éviter la malnutrition. Or, ceux-ci ont une préférence pour le steak et les beaux morceaux. 

Les campagnes d'information, diffusées par la radio et la presse, destinées à les convaincre de consommer des abats, restaient inefficaces. À la demande des services publics, le psychologue social Kurt Lewin s'y intéresse. C'est à cette occasion qu'il découvre ce qu’il nommera « l'effet de gel ». Il s’agit d’un processus psychologique qui entraine un changement dans le comportement de la personne, et repose sur une décision facile à obtenir lorsque celle-ci a l’impression de l’avoir prise de son propre chef. L’individu se retrouve donc engagé dans sa décision prise en toute liberté. 

La première méthode de Kurt Lewin va d’abord consister à utiliser la persuasion. Des petits groupes de ménagères sont invitées à une conférence où elles assistent à une démonstration éloquente de tous les bienfaits des abats. Chacune reçoit un document rempli de recettes alléchantes. Les résultats sont catastrophiques : seulement 3 % d'entre elles vont cuisiner les bas morceaux. Pourtant, la majorité de celles-ci sont convaincues par le séminaire. Au vu de ces résultats, le chercheur s'interroge sur la manière de lier la motivation à l'action.

La seconde méthode consiste alors à remplacer le conférencier par un animateur. Après avoir exposé les mêmes arguments que dans la conférence, celui-ci suscite des discussions de groupe. Les ménagères posent des questions et s'échangent des recettes. À la fin de la séance, l'animateur demande à celles qui vont cuisiner des abats dans la semaine de lever la main. Cette méthode induit une augmentation importante de changement de comportement puisque 32 % des ménagères cuisinèrent effectivement des abats. Selon Lewin, c'est l'acte de décision qui va avoir un effet de gel. Donc, le fait de lever la main entraîne l'individu à adhérer à sa décision et à s'engager face au groupe.

L’effet de gel c’est l’adhérence à une idée lorsqu’elle devient la nôtre. L’effet de gel est encore plus efficace lorsque la décision est prise dans une situation de groupe. Il est donc possible d’amener des personnes à adhérer à une idée qui n’est pas la leur au départ, si vous les mettez dans un groupe et que vous réussissez à amener ce groupe vers votre idée.

La soumission librement consentie, origine de la théorie

L'un des premiers chercheurs à s'être intéressé à la soumission librement consentie et plus particulièrement à la soumission à l'autorité fut Stanley Milgram avec sa célèbre expérience de Milgram. Son expérience cherchait à évaluer le degré d'obéissance d'un individu devant une autorité qu'il juge légitime et à analyser le processus de soumission à l'autorité, notamment quand elle induit des actions qui posent des problèmes de conscience au sujet. Son étude comportait trois personnes : l'expérimentateur en blouse blanche incarnant l’autorité hiérarchique, le sujet testé qui avait pour mission de poser des questions à un autre volontaire (qui était en fait un acteur complice de l’expérience) et de le soumettre à des chocs électriques si les réponses étaient fausses. Ce « faux volontaire » devait répondre aux questions et simuler la douleur lorsqu'il recevait les (fausses) décharges électriques en cas de mauvaises réponses. Les résultats démontrent que la grande majorité des individus vont se soumettre à l'autorité et envoyer des chocs électriques jusqu'au taux qui leur a été présenté comme potentiellement mortel. 

Toutes-fois, il a été constaté lors de l’expérience, que s’il y avait discordance de point de vue au niveau des représentants de l’autorité (la présence d’un deuxième expérimentateur en blouse blanche émettant un avis différent) la soumission à l’autorité du sujet expérimenté était beaucoup moins probante.

Les effets de l'engagement

Pour comprendre les effets de l'engagement, il faut distinguer deux types d’actes engageants : les actes qui sont contraires à nos idées et nos valeurs. Les actes considérés comme conformes à nos motivations profondes et à nos valeurs. 

Si l’acte est conforme à nos à nos valeurs, l'engagement va entrainer un renforcement des attitudes tant sur le plan comportemental que cognitif. 

Par exemple, si l’on est déjà pour la cause homosexuelle, s’engager va accroître cette prise de position. Dans le cas d'une menace de cette position, les attitudes peuvent même prendre une tournure extrême.

Alors que si cet acte est contraire à nos valeurs, l’engagement entraîne des changements au niveau comportemental et cognitif. Il se crée un ajustement mental à l’acte. Par ce processus de rationalisation, le sujet va ajuster ses valeurs et ses pensées par rapport à son engagement et sera moins opposé à l’homosexualité. Reprécisons que la rationalisation ne s'obtient que dans des contextes de liberté.

Soumission librement consentie

Ce concept décrit un procédé de persuasion qui conduit à donner l'impression aux individus concernés qu'ils sont les auteurs de leurs décisions. De cette manière, une personne pourrait ainsi modifier son comportement, ses objectifs et ses choix avec le sentiment d'être responsable de ces modifications.

« Cette forme de soumission particulièrement engageante, nous conduit à agir à l'encontre de nos attitudes, de nos goûts, à réaliser des actes d'un coût tel que nous ne les aurions pas réalisés spontanément. Tout se passe dans cette situation comme si l'individu faisait librement ce qu'il n'aurait jamais fait, sans qu'on l'y ait habilement conduit et qu'il n'aurait d'ailleurs peut-être pas fait sous une contrainte manifeste ».

Techniques et procédures

La théorie de l'engagement englobe un grand nombre de techniques et procédures. Régulièrement utilisées via des stratégies de manipulation en marketing et management, ces concepts font souvent l’objet d'utilisation malhonnête. Prendre connaissance de leur existence permet de s'en protéger.

L’hypocrisie induite

L'hypocrisie induite consiste à amener insidieusement la personne à faire quelque chose de contraire à la norme de circonstance. Cet écart entre la norme et le comportement engendre un sentiment plus ou moins important de dissonance cognitive chez l'individu qu'il s'efforcera de réduire par diverses stratégies telles que le changement d'attitude ou d’opinion.

L'étiquetage

Lors d’une expérience menée sur des enfants âgés de huit à onze ans dans laquelle on tentait de leur apprendre à mettre leurs déchets dans la poubelle après l'heure de cours. Les chercheurs ont mis en place trois approches. Dans la première, le professeur disait aux enfants qu'il faut être propre et ordonné. Dans la seconde, l'enseignant affirmait que les enfants étaient propres et ordonnés (condition d'étiquetage). Enfin, dans la troisième condition, l'enseignant ne disait rien. À la fin du cours, le professeur mesurait la quantité de déchets jetés à la poubelle. C’est dans l’approche d'étiquetage où l'on retrouvait un nombre plus important de déchets dans la poubelle par rapport aux deux autres.

On retrouve ce concept dans l'enseignement scolaire sous le nom d'effet Pygmalion.

Le toucher

Le contact physique calibré augmente le pourcentage d'acceptation d'une demande. L'expérience consiste à demander simplement à des gens dans la rue s'ils n'ont pas quelques petites pièces pour dépanner. 28 % des passants acceptent (condition contrôle). L'expérimentateur constate que ce pourcentage passe à 47 % lorsque l'on accompagne la demande par un bref toucher de l'avant-bras. Une autre expérience consiste à demander à des étudiants de passer volontairement devant la classe pour détailler l'avancement de leur travail. Seulement 11,5 % des élèves sont d'accord pour se porter volontaire (condition contrôle). On observe que ce chiffre est triplé (29,4 %) lorsque l'enseignant accompagne sa demande par un bref toucher.

L'amorçage

Cette stratégie peut être utilisée à des fins de manipulation dans la vente ou dans le management. Le protagoniste usant de l'amorçage pour vendre son produit ou faire accepter sa demande devra passer par le mensonge ou l'omission de certaines informations souvent problématiques pour arriver à ses fins. L'idée de l'amorçage est donc d'obtenir une première acceptation de la part du sujet en ne dévoilant pas toutes les informations dérangeantes dès le départ ce qui entraînerait dans tous les cas un rejet du sujet. Une fois cette première acceptation obtenue, il est beaucoup plus difficile pour le sujet de se désengager.

Exemple d'expérience étudiant l'amorçage par omission : une première approche consistait à demander à des étudiants en psychologie de passer une expérience en échange d'un crédit à 7 heures du matin. Vu l'heure matinale de l'expérience, seulement 31 % des étudiants ont accepté. Les chercheurs ont réussi à augmenter ces 31 % de présence pour l'étude matinale en 56 % grâce à la technique de l'amorçage par omission d'information : les chercheurs ont contacté les étudiants en leur disant qu'une expérience pour un crédit était disponible, une fois que les étudiants avaient accepté l'offre, les chercheurs leur annoncèrent que l'heure de l'expérience était fixée à 7 heures du matin. Après avoir accepté de passer l'expérience, la plupart des étudiants ne se sont pas désengagés lorsque le chercheur leur annonça l'heure du rendez-vous. La seule différence entre les deux approches est l'obtention d'un « oui » dans celle de « l'amorçage ». Ce « oui » fut donné avant même que les étudiants ne connaissent toutes les modalités de l'expérience. Bref, l’amorçage est une stratégie qui consiste à faire miroiter des bénéfices fictifs (ou à cacher des défauts) à une personne pour qu’elle prenne une décision. Cette dernière est alors plus à même d’acheter le produit (ou le service) même en prenant connaissance du coût réel. Cette personne a plus de chance de persévérer dans son choix même si on lui montre que les bénéfices ne sont plus au rendez-vous.

Pour que cette stratégie fonctionne, il faut que la décision d’amorçage soit une décision libre et non une décision forcée. Il ne faut donc pas utiliser la persuasion ou l’argumentation pour arriver à cette première décision. La personne manipulée considère alors que c’est sa décision et non celle de quelqu’un autre. A cela se rajoute le sentiment de responsabilité personnelle. Le principal problème avec cette stratégie, c’est qu’elle nécessite, dès le départ, un mensonge par omission. Afin de déjouer ce genre de manipulation, il faut apprendre à revenir sur ses propres décisions.

Le leurre 

La technique du leurre, fortement utilisée dans le commerce est une méthode alternative à l'amorçage. Le leurre est une technique qui consiste à amener un individu à prendre librement la décision de faire un choix dans le but d'en retirer certains avantages. Une fois que le protagoniste a accepté la décision, on lui annonce que les conditions sont finalement différentes et qu'il n'a plus la possibilité d’obtenir les avantages liés au choix initial. 

Une étude illustrant cette technique consistait à proposer à des étudiants en psychologie de passer une expérience amusante et rémunérée où il leur était demandé d'observer un film leur procurant des émotions positives. 

Une fois que tous les étudiants étaient arrivés au laboratoire, l'expérimentateur leur annonçait que malheureusement l'expérience était annulée. Au moment où les étudiants déçus allaient s’en retourner chez eux, un autre expérimentateur intervenait et leur proposait une expérience beaucoup moins intéressante et non-rémunérée. Plus de la moitié des étudiants ont accepté de passer l'expérience peu attractive.

Bref, le but est d’attirer la personne avec un avantage, puis de retirer cet avantage pour lui proposer quelque chose de moins avantageux. L’atout principal de cette stratégie est d’attirer des personnes qui ne seraient jamais venues si le leurre n’avait pas été mis en place. Cette stratégie augmente le taux d’acceptation de la personne.

L’exemple classique est le produit d’appel. Le but principal est d’attirer le client. Même si le produit n’existe plus, le client est quand même venu visiter le magasin.

Technique du pied dans la porte

Est une technique de manipulation qui consiste à faire une première demande facilement réalisable qui une fois acceptée et accomplie par l'individu, débouchera sur une autre demande plus difficile à réaliser. Le fait d'accepter cette première requête augmente la probabilité que celle qui suit, bien que plus coûteuse soit acceptée. Bref : lorsqu'on veut soutirer un service à un inconnu, il faut toujours commencer par lui demander un ou plusieurs mini-services : l'heure, le chemin pour aller…etc. Une fois qu'il aura rendu plusieurs petits services, il se laissera plus facilement entraîner à en rendre un plus gros.

Approche classique

L’expérience met en scène une fausse enquête sur les habitudes alimentaires des ménagères aux États-Unis. Les chercheurs sélectionnent un groupe contrôle (A) et un groupe expérimental (B). Pour le groupe contrôle (A), les chercheurs se sont fait passer pour des enquêteurs étudiant les habitudes alimentaires en sonnant aux portes des maisons. Ils demandent à chaque famille s'il leur était possible de rentrer pour examiner le contenu de leurs armoires. Pour la condition expérimentale (B), la demande était la même mais un coup de téléphone 3 jours avant la visite était passé dans le but de poser 8 questions sur leurs habitudes alimentaires.

Au niveau des résultats, pour la condition contrôle (A) seulement 22,8 % des ménagères ont laissé rentrer les enquêteurs dans leur logement contre 52,8 % dans la condition expérimentale où un coup de téléphone était passé avant. En effet, on observe plus du double d'acceptation lorsque la demande principale est précédée par une demande plus accessible.

Approche implicite

L'approche implicite est une variante de l'approche classique du pied-dans-la-porte dans laquelle la demande n'est plus explicite.
Lors d’une expérience, un expérimentateur demande à des ménagères dans un centre commercial de surveiller son sac de course sous prétexte qu'il devait aller retrouver son portefeuille qu'il avait fait tomber quelques rayons plus loin. Pratiquement 100 % des ménagères ont accepté de garder ses affaires jusqu'à ce qu'il revienne. Ensuite, un peu plus tard, un second expérimentateur, déguisé en client fait tomber volontairement devant la ménagère un petit paquet en faisant mine de ne pas le remarquer. Les résultats montrent que 80 % des ménagères qui ont accepté de garder les affaires du premier expérimentateur ont prévenu le second expérimentateur que son paquet était tombé. Dans la condition contrôle (celle où les ménagères n'avaient pas dû garder les affaires de l'expérimentateur), seulement 35 % d'entre elles ont ramassé le paquet.

Technique de la porte-au-nez

La technique de la porte-au-nez est une variante opposée du pied-dans-la-porte. En effet, cette stratégie de manipulation consiste à faire une première demande très coûteuse qui ne sera probablement pas acceptée pour en poser une seconde, moins coûteuse par la suite. Bref, lorsqu'on veut soutirer un service à quelqu'un que l'on connait, Ia stratégie consiste à commencer par lui demander quelques choses de démesurées. Après avoir refusé, la personne sera prédisposée à accepter de rendre un service beaucoup moins important, qu'elle aurait sans doute refusé si on ne l'avait pas mise en situation de te dire non une première fois. 

On peut par exemple observer ce phénomène dans certaines pratiques de marchandage. On commence par demander beaucoup dans l'intention d'obtenir moins. En effet, le vendeur annonce un premier coût élevé pour obtenir un prix moyen ou acceptable.

Lors d’une étude, une première demande était communiquée à des étudiants dans laquelle il leur était proposé de s'occuper de jeunes délinquants pendant deux heures dans un zoo. Seulement 16,7 % des étudiants ont accepté la demande. Pour faire augmenter le pourcentage de participation, les chercheurs ont utilisé la stratégie de la porte-au-nez. Ils ont donc premièrement posé une demande coûteuse en investissement qui consistait à s'occuper deux heures par semaine pendant deux ans de jeunes délinquants. Bien évidemment, tous les étudiants ont refusé la première demande. Ensuite, les chercheurs ont proposé une requête beaucoup moins coûteuse, la requête consistait à ne s'occuper des jeunes délinquants qu'une seule fois pour une durée de deux heures. Dans ce dernier cas, on constate que 50 % des étudiants acceptent. 

Technique du pied-dans-la-bouche

La technique du pied-dans-la-bouche consiste à poser une formule de politesse du type « comment allez-vous ? » avant la requête. Le fait de poser ce type de question avant la demande augmente le pourcentage d'acceptation. Lors d’une expérience, il était demandé par téléphone à des individus s'ils voulaient acheter une boite de cookies pour une association caritative. Seulement 10 % des gens acceptaient. Lors d’une autre approche il était simplement demandé en début d’appel : « Comment allez-vous ? ». Fut constaté que lorsque la demande était précédée par une formule de politesse, le pourcentage d'acceptation augmentait. En effet, 25 % des gens ont acheté des cookies avec cette deuxième approche.

Technique de la crainte-puis-soulagement

Une expérience consistait à demander à des étudiants de se présenter à une expérience universitaire comportant trois approches. Dans la première on leur annonce qu'ils auront des chocs électriques s'ils ne répondent pas correctement. 

La deuxième approche, est d’abord pratiquement identique à la précédente, mais une fois qu'ils sont arrivés, on leur dit que finalement, ils ne recevront plus de chocs électriques mais devront simplement lancer des fléchettes sur des cibles. Enfin, la troisième approche consiste à simplement demander aux étudiants de lancer des fléchettes. Lors du déroulement des trois expériences, pendant que les participants attendaient leur tour, une étudiante leur proposait de faire un don pour une association caritative. Les résultats de cette étude montre 75 % des étudiant ayant été soumis à la deuxième approche (crainte-puis-soulagement) ont accepté de faire un don, contre 52,5 % dans la troisième et 37,5 % dans la première.

La technique du « mais vous êtes libre de… »

Le fait de dire à la personne qu'elle est libre ou non d'accepter une requête va augmenter considérablement son pourcentage d'acceptation. Une étude mesurant l'impact de la technique du mais-vous-êtes-libre-de sur des passants dans la rue consistait à demander : « Excusez-moi, auriez-vous une petite pièce de monnaie pour prendre le bus ? » Deux approches sont alors adoptées lors de l’étude : la première consiste à simplement faire la requête et s'arrêter là. Dans la seconde, l'expérimentateur après avoir demandé une pièce de monnaie et avant que le passant ne réagisse, ajoute « Mais vous êtes libre d'accepter ou non ». Les résultats montrent une différence significative entre les deux types d'approches. En effet, seulement 10 % des gens donnent lors de la première approche contre 47,5 % dans la seconde.

La technique du « un peu c'est mieux que rien »

Cette stratégie consiste à demander une somme tellement faible (pour une demande de don, par exemple), qu'il serait ridicule de refuser.
Une expérience consistait à récolter des dons en sonnant aux portes pour une association caritative. Lors de la première approche, ils demandaient : « Voulez-vous nous aider en faisant un don ? ». Dans la seconde, ils rajoutaient « Même quelques centimes nous aiderait ». Les résultats de cette étude montrèrent que dans la première approche, 28,6 % des sujets ont fait un don contre 50 % dans la seconde.
Il existe d’autres variantes de cette étude, notamment celle réalisée par les mêmes chercheurs qui consistait à remplacer la phrase par : « Les contributions les plus basses que nous avons reçues jusqu'à présent sont de 50 centimes ». À nouveau, on observe une différence significative entre la condition contrôle (32,2 %) et la condition « un peu c'est mieux que rien » (64,5 %).

La technique du « ce n'est pas tout… »

Cette stratégie est régulièrement utilisée dans les techniques de vente et de marchandage. Pour illustrer et comprendre ce concept, une étude sur la propension à acheter des cookies dans une cafétéria a été menée. Il y avait deux approches : lors de la première, lorsque les sujets demandaient un cookie à l'expérimentateur déguisé en serveur à la cafétéria, celui-ci leur annonçait le prix exagéré de 2 € et rajoutait, avant que le sujet ne décommande, qu'il s'était trompé et que pour ce prix-là, ils pouvaient avoir deux cookies. La seconde approche consistait simplement à présenter les deux cookies pour 2 €. Les résultats de l'étude montrent que 73 % des sujets ont acheté des cookies avec la première approche contre seulement 40 % dans seconde.

La technique du pied dans la mémoire

Ce terme donné en lien avec l’étude de la dissonance cognitive, permet d'expliquer comment amener librement quelqu'un à faire ce que l'on aimerait qu'il fasse.
Une expérience sur la technique du pied-dans-la-mémoire a été menée sur des jeunes étudiantes en Californie. Dans une piscine publique, avant que les étudiantes ne gagnent leur douche après la natation, un militant les arrête en leur faisant signer une charte expliquant que l'eau s'avère être une ressource rare en Californie et que par conséquent, il faut éviter de la gaspiller. L'annonce exacte « Prenez des douches plus courtes. Arrêtez l'eau quand vous vous savonnez. Si je peux le faire, vous le pouvez aussi. »

C'est à l'étape suivante qu’apparaît l'influence du pied-dans-la-mémoire. En effet, une fois la charte signée, le militant invitait les étudiantes à se souvenir des moments de leur journée où elles avaient pour habitude de consommer plus d'eau que nécessaire. Ensuite, le militant se retirait et les étudiantes retrouvaient leur douche. Les chercheurs ont chronométré le temps passé sous la douche à leur insu. 

Les chercheurs constatent que les étudiantes à qui on a demandé de signer la charte et de s'imaginer les moments où elles utilisaient beaucoup d'eau passaient moins de temps dans la douche (3,5 minutes) qu'elles ne seraient restées habituellement (5 minutes). Ces mêmes étudiantes restaient également moins longtemps dans la douche par rapport à celles qui avaient juste signé la charte, sans devoir se souvenir de leurs habitudes (4 minutes).

La dépense gâchée 

La dépense gâchée est une escalade d’engagement avec une décision initiale coûteuse. Si nous investissons beaucoup dans une décision et que finalement elle s’avère être contre productive, nous aurons plus de difficulté à nous en extraire que si cette décision nous avait demandé un faible investissement. Nous risquons même de persévérer dans la mauvaise voie au-delà du raisonnable. Nous n’écoutons pas notre raison car l’investissement, le coût d’énergie, le temps et l’argent font que la décision d’y renoncer sera un effort déplaisant contraire à notre engagement initial. 

Exemple : vous achetez un vin à 100€. Vous le goutez : il n’est vraiment pas bon. Allez-vous jeter la bouteille ? Non ! Il y a même de grande chance pour que vous finissiez de la boire…

Dans le même registre, Le piège abscons, c’est un phénomène irrationnel qui consiste à prendre une succession de décisions coûteuses en pensant à chaque fois que l’on va compenser les pertes précédentes. C’est de l’auto-manipulation. 

Il y a 2 facteurs pour sa mise en place :

1. On s’engage dans un processus coûteux (pour atteindre un but incertain) qui ne pourra s’arrêter que par notre propre décision. 

2. On ne peut pas, à priori, fixer de limite à notre investissement. Pourtant on a l’impression que chaque dépense nous rapproche de notre but. 

L’exemple magistral est celui de la personne qui perd toute sa fortune à la table de jeu. Pour éviter les pièges abscons, il faut se fixer des limites.

L'expérience de Solomon Asch

Asch invita un groupe d'étudiants (entre 7 et 9) de 17 à 25 ans à participer à un prétendu test de vision auquel avaient auparavant été soumis des sujets témoins qui n'eurent aucun mal à donner toujours la bonne réponse. Tous les participants étaient complices de l'expérimentateur, sauf un. L'expérience avait pour objet d'observer comment cet étudiant allait réagir au comportement des autres.

Les complices et le sujet furent assis dans une pièce et on leur demanda de juger la longueur de plusieurs lignes tracées sur une série d'affiches. À gauche, une ligne modèle, et à droite, 3 autres lignes. Chacun devait dire laquelle de ces 3 lignes sur la droite était égale à la ligne modèle de gauche. Avant que l’expérience ne commence,l’expérimentateur avait donné des instructions à ses complices. Au début, ils donnaient la bonne réponse, c'est-à-dire aux 6 premiers essais mais lors des autres, ils donnèrent unanimement la même fausse réponse. Le sujet expérimenté était l’avant-dernier à répondre. Asch mit en avant que celui-ci fut surpris des réponses énoncées par ses acolytes. Au fur et à mesure des essais, il devint de plus en plus hésitant quant à ses propres réponses. L'expérience fut réitérée avec un seul comparse, lequel était positionné en premier. Après lui, plusieurs sujets ignorant le véritable objectif de l'expérience alignaient également leur réponse sur celle de ce comparse. L'attitude de ce dernier sûr de lui, avec une voix ferme avait une influence particulièrement marquée sur les réponses des sujets.

Les résultats de cette expérience ont montré que la plupart des sujets répondaient correctement sans influence extérieure, mais qu'ils se conforment sur 36.8% des mauvaises réponses soutenues à l'unanimité par les complices ou par l'unique comparse, et que 75% des sujets se conforment au moins une fois. Les sujets étaient même amenés à soutenir des réponses allant contre l'évidence et contre leur propre vue, pour par exemple affirmer que deux lignes avaient la même longueur, alors que l'écart était très visible car de plus de 5 cm. La situation contrôle montre 0.0045% d’erreur de la part des participants.
Les différents sujets de cette expérience ont fréquemment témoigné, interrogés dans l'après-coup, de leur sentiment de confusion, d'anxiété ou de stress. D'autres avaient refoulé ces émotions contradictoires et pensaient simplement s'être trompés. Après l'annonce des résultats, le sujet attribuait parfois sa piètre performance à sa propre « mauvaise vue ». Ceci rejoint dans une certaine mesure l'expérience de Milgram où le sujet se décharge totalement de sa responsabilité sur l'autorité de l'expérimentateur. Dans les deux cas, le sujet se dédouane de la responsabilité de ses décisions et de ses actes (facteur interne) sur un facteur externe. 

Un peu de théorie

Le fait de persévérer dans une décision est lié au sentiment de liberté. Plus on se sent libre dans la décision, plus on a de chance de persévérer dans cette décision initiale. 

Ceci est la base de la théorie de l’engagement. Elle dit qu’il existe un lien entre l’individu et ses actes.

La théorie de l’engagement stipule deux choses :

Seuls les actes nous engagent. Un acte peut être totalement différent de nos idées. 

On peut être engagé à des degrés divers suivant nos actes. 

Il existe différentes manières de manipuler l’engagement :

1. Faire un acte en public renforce l’engagement. 

2. Répéter plusieurs fois le même acte. 

3. Jouer sur le caractère irrévocable de l’acte (sans retour). 

4. Opposer des actes couteux à des actes qui le sont moins. 

5. L’acte d’engagement se fait avec un sentiment de liberté de choix. 

Pour ce dernier point, ce sentiment de liberté est important car il est différent du sentiment d’obligation. Vous serez plus engagé dans votre acte si on vous offre une récompense (renforcement positif) que si on vous menace de sanction (renforcement négatif). S’il y a une menace ou si la récompense est énorme, il y un désengagement car l’acte n’est plus lié directement au choix .

Dans les systèmes hiérarchiques, le sentiment de liberté est biaisé. C’est ce qu’on appelle la soumission librement consentie. 

Par exemple dans le couple enseignant-élève, l’élève sait ce que veut le prof. Il fera donc des actes qui ne sont pas forcément conformes à ses idées. C’est pour cela qu’il faut faire attention à ne pas associer un acte à une figure d’autorité.

Il existe 2 types d’actes :

1. Ceux conformes à nos idées et motivation. 

2. Ceux non conformes à nos idées et motivation. 

Nos actes renforcent notre résistance aux influences. Donc aux changements d’attitudes. Attention, cela n’est pas réciproque. Une attitude ne va pas nécessairement conduire à un acte. Conclusion, l’engagement et les convictions qui en découlent passent par les actes. Mais convaincre et persuader ne mène pas forcément à des actes. 

Biais cognitifs

Les biais cognitifs sont des mécanismes de l’esprit qui échappent à la pensée logique et rationnelle. C’est une façon rapide et intuitive de porter des jugements ou de prendre des décisions sans passer par le raisonnement analytique. Ces observations rapides sont souvent utiles mais aussi sources de jugements erronés. D'autres biais reflètent l'intervention de facteurs idéologiques, émotionnels ou moraux, par désir de maintenir une image de soi positive ou d'éviter des dissonances cognitives déplaisantes. Voici quelques biais célèbres :

La tendance à attribuer une plus grande valeur à un objet que l'on possède qu’à un même objet que l'on ne possède pas. Ainsi, le propriétaire d'une maison pourrait estimer la valeur de celle-ci comme étant plus élevée que ce qu'il serait disposé à payer pour une maison équivalente.

La tendance à se laisser influencer par la première impression. Utiliser la première source comme référence. Il s'agit généralement du premier élément d'information acquis sur un sujet. Dans des négociations, faire la première offre donne un avantage. Bref, dans un contexte donné, les individus ont tendance à utiliser la première information reçue comme point d’ancrage et s’en servent pour juger les informations qu’ils reçoivent par la suite.

La tendance à s'attribuer le mérite de ses réussites et à attribuer ses échecs à des facteurs extérieurs défavorables.

La tendance à poursuivre une action engagée malgré le cumul de résultat de plus en plus négatif.

La tendance à ne pas voir ses propres erreurs et à se focaliser sur celles des autres.

La tendance à ne rechercher et à ne prendre en considération que les informations qui confirment nos croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent. Bref, la tendance à valider ses opinions auprès des instances qui les confirment, et à rejeter d'emblée les instances qui les réfutent. Maintenir certaines croyances peut représenter une motivation très forte : lorsque les croyances sont menacées, le recours à des arguments douteux augmente.

La tendance à privilégier les facteurs visible et à ne pas prendre en comptes les facteurs discrets ou absents.

La tendance à croire qu’un phénomène est en développement, juste parce qu’on vient d’apprendre à le reconnaître. C’est le cas de la personne à qui on vient d’apprendre à reconnaître une plante ornementale très répandue et qui s’imagine que l’on vient tout juste d’en planter un peu partout.

La tendance à aborder la nouveauté par les risques qu’elle comporte plutôt que par les avantages qu’elle peut amener. Un changement apparaissant comme apportant plus de danger et d'inconvénients que d'amélioration, ce biais incite à laisser les choses telles qu'elles sont. Bref, la tendance à préférer les options qui ne comportent aucun risque, même si opter pour le « risque zéro » n’est pas rentable et que d’autres solutions auraient été proportionnellement plus avantageuses.

Une fois un événement survenu, la tendance à surestimer notre capacité à le percevoir comme prévisible ou probable. Juger à posteriori qu’une situation allait s’installer ou qu’un évènement allait survenir.
« Je le savais ! » 

La tendance à donner plus de poids aux expériences négatives qu'aux expériences positives et à s'en souvenir davantage.

La tendance à croire que le monde est juste et que les gens méritent ce qui leur arrive. Des études ont montré que cette croyance répond souvent à un important besoin de sécurité. Différents processus entrent en œuvre pour préserver la croyance que la société est juste et équitable malgré les faits qui montrent le contraire.

La tendance à être influencée par l'opinion que l'on se fait au prime abord d’une personne, opinion en lien à son apparence ou une de ses caractéristiques. Notre tendance à juger quelqu’un de façon positive à partir d’un trait ou d’un aspect valorisant. Par exemple, une personne de belle apparence physique sera perçue comme intelligente et digne de confiance. Bref, une perception sélective allant dans le sens d'une première impression que l'on cherche à confirmer. 

La tendance à développer un sentiment positif à la vue d’un élément familier. Donc l’augmentation de la probabilité d'avoir un a priori favorable envers quelqu'un ou quelque chose par la simple exposition répétée à cette personne ou cet objet. Ce biais cognitif peut intervenir notamment dans la publicité.

La tendance qu’ont les moins compétents dans un domaine à surestimer leurs compétences et la tendance qu’ont les plus compétents à sous-estimer les leurs. Ce biais cognitifs qui amène les personnes les moins compétentes à surestimer leurs compétences et les plus compétentes à les sous-estimer a été démontré dans de nombreux domaines.

La tendance qui consiste, dans une situation en apparence habituelle, à réagir de manière automatique, sans éprouver le besoin de rechercher les informations complémentaires qui pourraient mettre en évidence une différence. Bref, se fier à ses croyances pour appréhender une réalité sans recueillir de nouvelles informations. La situation est jugée à tort comme étant similaire à d'autres situations connues.

La tendance qui consiste à accepter une vague description de la personnalité comme s'appliquant spécifiquement à soi-même. Les horoscopes jouent sur ce phénomène.

La tendance qui consiste à percevoir une relation entre deux événements non corrélés ou encore à exagérer un lien de cause à effet. Par exemple, l'association d'une caractéristique particulière chez une personne au fait qu'elle appartienne à un groupe particulier. Ou simplement de lié une caractéristique à un groupe particulier par effet de généralisation.

La tendance à être influencé par la manière dont un problème est présenté. Par exemple, un choix peut être influencé par le fait qu’on expose son contexte en termes de taux de succès ou en termes de taux d'échec, même si en définitive, les deux taux fournissent la même information.

La tendance au raccourci mental qui consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments qui ne sont pas nécessairement représentatifs.

La tendance qui consiste à considérer que causer éventuellement un tort par une action est pire que causer un tort par inaction.

La tendance à croire que les autres sont d'accord avec nous plus qu'ils ne le sont réellement.

La tendance à croire que nous avons plus de contrôle sur une situation que nous n'en avons réellement.


Le biais cognitif, est une sorte d’illusion d’optique créée par notre esprit. C’est un mécanisme autonome qui se déclenche au moment où l’on doit prendre une décision. Évidemment, nous cherchons à prendre nos décisions en fonction de critères plutôt logiques. Mais dans la réalité, de nombreux autres critères irrationnels influencent nos choix. C’est ce que révèlent les biais cognitifs. Sous leurs effets, le jugement du consommateur se trouve souvent faussé, c'est pourquoi les biais cognitifs sont largement utilisés dans le marketing. En voici quelques-uns parmi les plus connus :

Le biais de confirmation ou le biais de la persévérance dans l'erreur. Vous êtes prêt à changer de portable et c'est la marque leader qui vous séduit. Plus moderne et plus sûre que la concurrence, vous êtes convaincu de sa supériorité. Dès lors, inconsciemment, vous interprétez toutes les informations qui vous arrivent de manière à ce qu'elles corroborent votre idée initiale. 

À cause de ce biais sournois, vous éliminez tout ce qui infirme votre choix et retenez, voire amplifiez tout que ce qui le confirme. Et quand un proche attire votre attention sur la faible autonomie du modèles qui retient votre intérêt, vous réfutez l'objection en lui rétorquant : « Tu es toujours négatif ». 

La parade : s’efforcer de suspendre tout jugement afin de se laisser le temps d'étudier la question sous tous les angles, et d'examiner les produits (ou options) concurrentes. Entendre les remarques qui nous contrarient, sans renier pour autant notre intuition. 

Le biais de disponibilité ou la difficulté à assimiler de nouvelles informations. Qui n'a jamais pris un sens interdit, malgré le panneau rouge et blanc, dans une rue jusqu'alors ouverte à ce sens de circulation ? Ou escamoté un feu tricolore qui n'existait pas avant à tel carrefour ? Le cerveau privilégie les informations directement disponibles, mais aussi les plus récentes, les plus chargées d'émotions ou les plus spectaculaires, car elles lui arrivent plus facilement. Dans le domaine du recrutement, c'est ce biais qui explique le clonage. Vous avez été satisfait d'un diplômé de Sciences Po ? Ou d'un collaborateur allemand ? Vous aurez tendance à surévaluer les caractéristiques Sciences Po, allemand, chez les candidats au détriment d'autres facteurs plus pertinents. 

Le biais d'attribution ou la tendance à tirer des conclusions hâtives. En observant le DRH qui s'emporte lors d'une réunion, vous risquez d'en déduire qu'il est susceptible, irritable, colérique, sans mesurer que cette rencontre se déroule dans un climat de stress car elle annonce une vaste réorganisation. L'enjeu est donc lourd pour ce DRH qui se trouve en première ligne, qui a en plus peut-être mal dormi... 

Quand on évalue un comportement, ce biais nous entraîne à sous-estimer les facteurs liés à la situation (plus complexe à analyser) pour nous focaliser sur ce qui est immédiatement visible (ici la colère) et l'attribuer au seul individu. 

Ce qui, lors d'un recrutement, peut conduire à passer à côté d'un excellent candidat. Il n'est pas ponctuel à l'entretien ? Vous en déduisez qu'il est un retardataire chronique. Or, il peut avoir des circonstances atténuantes : déviations sur la route, panne de métro... 

L’effet de vérité illusoire est la tendance à croire que des affirmations et des informations sont correctes après y avoir été exposé de façon répétée.
Peu importe la validité de cette affirmation, les gens sont plus prédisposés à y croire après l’avoir entendue ou lue plusieurs fois.
La répétition créant un sentiment de familiarité, les gens ont tendance à croire aux affirmations habituelles, celles qu’ils perçoivent et entendent souvent.
L’effet de vérité illusoire peut s’appliquer à de nombreux domaines, tels que la politique, le marketing et la publicité.
Les entreprises emploient le biais de vérité illusoire à leur avantage en concevant de messages simples et faciles à intégrer, puis ils les répètent encore et encore.

Afin d’appliquer ce biais cognitif à des situations réelles, les professionnels du marketing emploient différentes techniques comme les slogans, les publicités à répétition pour créer un « effet de boucle » dans l’esprit de leurs clients. Avec la familiarité vient la confiance : un message répété devient peu à peu une vérité ou une affirmation admise de tous.

Le biais du favoritisme décrit la tendance à favoriser les membres d’un groupe par rapport aux personnes extérieures. Profondément ancré dans la psychologie sociale, ce biais cognitif pousse les membres d’un groupe à accorder un traitement de faveur à ceux qui semblent appartenir à ce même groupe. En conséquence, les membres d’un groupe peuvent développer des traits de comportement suscitant des traitements de faveur et ayant une incidence sur l’allocation de ressources.

L’appartenance à un groupe est un besoin social qui répond à deux préoccupations humaines majeures : flatter notre amour-propre et la perception de notre identité sociale. Lorsqu’il est appliqué à des fins de vente, ce biais peut se révéler être un outil puissant pour augmenter les ventes, les bénéfices, la notoriété d’une marque et la fidélité à celle-ci.

Plusieurs jeux vidéo ont tiré profit de ce biais pour augmenter le budget moyen par utilisateur et les ventes globales. Fortnite, développé par Epic Games, a atteint une moyenne incroyable de 58 dollars dépensé par utilisateur, engrangeant presque 300 milliards de dollars pour le seul mois d’avril 2018.

Leur secret ? Une gigantesque communauté renforcée par de nombreux streamers YouTube et Twitch qui ont alimenté une véritable passion pour le jeu. Cela a conduit beaucoup de joueurs à rejoindre le jeu et à dépenser de l’argent pour des achats « in-game » visibles de tous, et plus précisément, de la communauté Fortnite.

Le biais d’autorité popularisé par l’expérience de Stanley Milgram en 1961, établit que les gens ont tendance à estimer plus juste l’opinion d’une figure d’autorité. Par ailleurs, le biais d’autorité a également démontré que les gens sont plus facilement influencés par les informations apportées par une figure d’autorité, quel que soit la teneur réelle de celles-ci.
Bien que les hommes politiques emploient aussi ce biais, les professionnels du marketing se servent du biais d’autorité comme d’une véritable arme de persuasion à destination de leurs clients potentiels.

Cette technique est omniprésente dans les campagnes publicitaires : pensez aux nombreux « experts » ou « célébrités » utilisés dans les publicités. « Vous ne connaissez rien aux rejets carbones, à la finance, aux outils à commande numérique... Heureusement, il existe des experts sur lesquels vous appuyer. C'est leur job ! Mais eux aussi peuvent se planter, en toute bonne foi. Or, quand vous avez un doute, vous n'osez pas contester leurs affirmations. La blouse blanche du sachant ou les barrettes du chef impressionnent ».

Le biais d’ancrage influe sur les processus de décision ; il est bien connu pour ses répercussions sur les négociations de prix. Il s’agit de la tendance à privilégier la première information reçue (« l’ancre ») lors d’une prise de décision au détriment des informations suivantes. L’ancre est pour ainsi dire un point de départ à partir duquel les débats, les jugements et les négociations à venir seront formulés. Il peut s’agir d’une fourchette, d’un prix ou de tout autre type d’information. Cependant, le prix est l’exemple le plus fréquemment cité pour illustrer ce biais.

Exemple : Vous allez investir sur un projet pour un montant raisonnable à vos yeux. Mais votre associé exprime que ce montant est objectivement insuffisant et que vous allez droit au casse-pipe. Pourtant, vous n'en démordez pas. Parce que votre cerveau s'est arrêté sur un chiffre à partir d'informations préliminaires mais parcellaires et il n'en dévie plus. Il est « ancré » sur ce montant. Mais cela peut aussi bien survenir avec un fait probant, un événement, un coup de cœur ou un dégoût.  

Attention, vous pouvez aussi être victime de ce biais lors de négociations salariales : vous annoncez un chiffre trop bas, et votre chef l'ancrera dans son esprit comme un maximum. Vous aurez bien du mal ensuite à avancer des prétentions plus élevées. 

Le biais d’actualisation hyperbolique est un biais cognitif qui pousse les gens à préférer les récompenses immédiates aux récompenses ultérieures.
Face à deux issues favorables, les individus développent des préférences pour le court terme et vont choisir celle qui arrivera le plus rapidement. Par ce biais, les individus ont tendance à faire des choix inconsistants qu’ils regrettent par la suite, piégés par leur préférence pour les récompenses immédiates lors du processus de décision.
Les professionnels du marketing emploient depuis longtemps le biais d’actualisation hyperbolique pour tirer parti des envies et des désirs des consommateurs. Comme nous privilégions le présent, les spécialistes aguerris du marketing peuvent promouvoir le plaisir immédiat et la gratification instantanée afin de nous pousser à acheter tout de suite.
Par exemple, les crédits à la consommation sont une conséquence fréquente du biais d’actualisation hyperbolique : de nombreuses personnes préfèrent s’endetter pour acheter un produit immédiatement (et payer des intérêts) plutôt que d’attendre d’avoir les fonds suffisants.
L’effet d’immédiateté fait que lorsqu’un individu a le choix entre deux récompenses, il va privilégier la récompense qu’il peut recevoir le plus tôt (voire immédiatement). Ceci même si sa valeur est inférieure à celle qu’il pourrait obtenir plus tard.

L’effet expérimentateur est un biais cognitif défini par la tendance d’un chercheur à influencer une expérience de manière subconsciente à cause de ses propres biais cognitifs. L’effet expérimentateur est lié au biais de confirmation (c’est-à-dire la tendance à rechercher et à préférer les informations déjà en accord avec nos croyances). Cet effet mène les professionnels du marketing à créer des biais dans leurs propres tests. Le marketing (et donc, le marketing digital) nécessite des recherches et des tests afin de réaliser de meilleures ventes. Les professionnels du marketing élaborent des postulats et des hypothèses basés sur leurs connaissances et leurs expériences. Cependant, de nombreux spécialistes du marketing ne se rendent pas compte que leurs propres suppositions peuvent fausser ou dénaturer leurs tests. Ils tentent souvent de renforcer leurs idées spécifiques et au cours du processus d’élaboration des tests. En agissant ainsi, les professionnels du marketing mènent souvent des tests biaisés par nature : ils tentent davantage de se donner raison plutôt que de mener une véritable étude.

La pensée de groupe. En tant qu’humain, le besoin d’appartenance est très fort. Par nature, l’effet de mode peut être rendu encore plus célèbre avec la pensée de groupe : « si tous mes amis l’utilisent, je dois aussi l’acheter ! ».
En marketing, ce biais est exploité avec les témoignages clients ou le recours à des influenceurs. S’il y a bien un critère qui fonctionne dans la consommation, c’est l’effet de mode. Dès lors que tout le monde adopte un produit, il y a effet boule de neige.
La liberté d’esprit. Même si l’effet de mode et la pensée de groupe restent une réalité, certains consommateurs aiment se placer à contre-courant. Si le profil de votre audience présente un caractère rebelle, se distinguer des effets de mode est un biais cognitif particulièrement redoutable.

L’effet empathie. Les émotions jouent un rôle important dans la prise de décision des consommateurs. Pour les publicités, les spécialistes marketing mettent en action des héros qui parviennent à surmonter des difficultés grâce à un produit/service. Par effet d’empathie, le consommateur s’identifie au héros et décide que ce produit est ce dont il a besoin. 

L’effet Barnum se produit lorsqu’un consommateur croit qu’une large description s’applique spécifiquement à lui. L’exemple des horoscopes reste la meilleure illustration de ce biais cognitif. Il s’agit donc de trouver une proposition de valeur qui va parler à une large audience.

L’effet de cadrage c’est l’art de présenter les produits ou services. Par exemple, on peut transformer certains reproches, faits envers une marque, en force. Le mieux est d’utiliser l’humour ou un jeu de mots pour transformer un défaut en point positif. En marketing, le cadrage est souvent utilisé en version statistique pour influencer la perception des consommateurs. Quand il est dit : « 85% des utilisateurs recommande notre produit à leurs proches », le consommateur oubli que 15% des utilisateurs ne conseilleraient donc pas le produit. 

L’abondance de choix consiste à présenter au consommateur beaucoup d’informations. À la fin, ce dernier se retrouve à choisir l’option la plus simple et parfois la moins efficace. Comprendre ce biais cognitif aide à optimiser les campagnes marketing : pour qu’elles soient performantes, il faut éviter d’abreuver le consommateur avec trop de données et un choix trop large. Offrir des options restreintes facilite la réflexion. 

La peur de perdre ou manquer s’appuie sur de fortes réactions émotionnelles. Les clients ne veulent pas rater une occasion d’acheter un produit en édition limitée, ou de profiter d’une bonne affaire. Pour utiliser ce biais cognitif, les marques jouent souvent sur l’urgence et les promotions exceptionnelles.

L’effet de rareté. Le consommateur accorde plus d’importance à un produit rare qu’à un autre disponible en abondance. Un produit en « édition limitée » se vendra plus facilement et rapidement.

Le sentiment d’urgence. Le sentiment d’urgence implique que le consommateur doit choisir rapidement une offre exceptionnelle. L’objectif est d’éviter au client de trop réfléchir en l’amenant à favoriser le « coup de cœur » au détriment d’une réflexion rationnelle. 

L’influence sociale. D’un point de vue marketing, l’influence sociale est un moyen de montrer aux clients que des personnes qui leur ressemblent, utilisent et apprécient un produit ou un service. 

Les besoins multifonctions. Les consommateurs ont tendance à payer plus cher pour des produits ou services avec plusieurs fonctionnalités. Ceci, indépendamment de leur utilité ou de leur compatibilité avec leurs besoins. 

Le principe de repère visuel. Ce biais cognitif est souvent utilisé en webdesign. Afin de focaliser l’attention du consommateur, on utilise une image ou une icône. Exemple : Un % pour annoncer une promotion, une flèche pour attirer l’attention sur un produit spécifique ou une étoile pour montrer les best-sellers. Le but est de diriger l’attention du visiteur.

La préférence du milieu. Confrontés à plusieurs produits alignés, les consommateurs préfèrent souvent celui du milieu. Il n’y a aucun effort à faire pour le regarder, contrairement à ceux situés au-dessus, en dessous ou à côté. Si vous voulez promouvoir un produit spécifique, pensez à le placer au milieu de votre page. 

La retenue du nouveau. Les consommateurs accordent plus d’importance aux nouvelles informations. Le dernier avis posté sur un produit aura plus d’impact que les anciens.

Le besoin d’informations complémentaires. Ce biais cognitif caractérise notre tendance à rechercher des informations, même si elles n’affectent pas la décision d’achat. Les spécialistes du marketing l’utilisent pour inonder les consommateurs de renseignements sur un produit ou un service.

Mais l’abondance d’informations conduit aussi un individu à prendre des décisions moins efficaces et moins satisfaisantes que celles qu’il aurait prises avec moins d’informations.

Le biais de familiarité. Le marketing et les réseaux sociaux appuient fortement sur ce biais cognitif. Ce dernier montre que les consommateurs sont plus susceptibles d’acheter les produits d’une marque dont ils entendent souvent parler. Plus une entreprise ou un produit est familier, plus elle aura de poids au moment de la décision d’achat. 

L’humour. Si vous arrivez à faire rire un consommateur, il se souviendra de vous. L’humour crée un élément de surprise en marketing et détourne le cerveau de l’importance que revêt une décision d’achat.

L’effet pom-pom girl fait que nous trouvons les mêmes objets plus attractifs lorsqu’ils sont présentés en groupe.

Le principe d’aversion à la perte montre que les individus sont plus sensibles aux perspectives de pertes qu’à celles associées aux gains.

Le principe de réciprocité montre l’efficacité de
« donner pour avoir en retour ». Si on agit en faveur d’un individu, il sera plus enclin à agir en votre faveur également.

L’effet du choix montre que les individus sont plus susceptibles de se décider pour une option quand ils ont le choix entre deux, plutôt que lorsqu’il s’agit d’une option à prendre ou à laisser.

L’effet de position en série décrit la prédisposition des individus à se souvenir davantage du premier et dernier élément d’une liste, comparé aux autres éléments de la liste.

L’aisance cognitive est la faculté avec laquelle notre cerveau traite une information et comment ce degré d’aisance impacte notre sentiment plus ou moins positif à propos de cette information.

L’effet de l’esthétique : un produit plus esthétique est perçu comme plus facile d’utilisation qu’un produit identique moins esthétique. Il va être davantage utilisé que les autres, quelles que soient ses fonctionnalités.

L’influence sociale est un biais cognitif de conformité. Il postule que lorsqu’une personne n’est pas certaine de la façon dont elle doit agir, elle va se fier aux autres pour déterminer le comportement à adopter.

Le biais d’appartenance montre que la plupart des gens ont une image positive de leur personne. Ils ont ainsi tendance à préférer les choses qui leur ressemblent ou qui leur sont reliées de quelconque manière.

Le biais de la dissonance cognitive montre que nous avons tendance à vouloir garder une certaine harmonie entre toutes nos attitudes, habitudes et préférences. Par conséquent, nous cherchons perpétuellement à éviter toute dissonance en nous réajustant si nécessaire.

Le biais du besoin d’accomplissement fait que les objectifs que nous n’avons pas encore finalisés restent davantage ancrés dans notre mémoire que ceux qui ont été menés à terme.

L’aversion pour l’option unique montre que lorsqu’on propose à des clients une seule option, ils ont tendance à chercher des options alternatives en reportant leur acte d’achat.

Le biais de facilité montre que nous avons tendance à préférer les choses faciles à comprendre ou utiliser.

Le biais du renforcement à posteriori, montre que lorsque l’on se remémore nos décisions passées, nous déformons nos souvenirs de sorte que les choix que nous avons faits semblent avoir été ceux qui étaient bons ou au moins nécessaires.

L’effet de présentation. Ce biais cognitif  montre que nous réagissons différemment aux messages ou aux choix que l’on nous soumet en fonction de la manière dont on nous les présente.

L’effet de prédiction positive montre que le fait de formuler une intention précise sur la façon d’atteindre un objectif peut doubler voire tripler nos chances de l’atteindre.

Le principe de malédiction du savoir est un biais cognitif qui rend difficile pour quelqu’un qui connaît bien un sujet de se mettre à la place de quelqu’un qui ne le connaît pas. Ce qui rend parfois sa capacité à expliquer le sujet inopérante.

Le biais d’autonomie montre que nous préférons les situations sur lesquelles nous avons le sentiment d’exercer un contrôle.

L’effet de focus montre que lorsque nous décidons d’une action, nous limitons le nombre de facteurs à prendre en compte pour éviter la surcharge mentale et nous aider à la décision. Nous donnons par conséquence trop d’importance à certains facteurs, ce qui biaise notre choix.

L’effet du choix par défaut, montre notre tendance à effectuer un choix par défaut face à des possibilités trop nombreuses.

Le repère du regard fait que nous sommes automatiquement attirés par le regard des autres, lors d’une conversation en face à face ou attirés à suivre le regard des autres lorsqu’ils observent quelque chose.

Le principe d’engagement et de cohérence montre qu’une fois que nous nous sommes engagés publiquement  envers quelque chose ou envers quelqu’un, nous avons tendance à nous y tenir pour être perçu comme cohérent.

L’effet de supériorité de l’image montre que les images ont un impact direct et différé supérieur aux mots dans notre mémoire.

L’effet métaphorique montre que nous avons tendance à comprendre plus facilement et à nous souvenir davantage du langage métaphorique. Ce dernier fait en effet appel à notre imagerie mentale. 

La réactance psychologique montre que lorsque nous ressentons que quelqu’un ou quelque chose limite notre liberté d’action ou de décision, nous enclenchons un mécanisme de défense psychologique nommé la réactance.

L’effet d’attractivité visuelle montre que les individus sont plus susceptibles d’acheter un produit s’ils peuvent s’imaginer en train de l’utiliser. Le produit doit donc être présenté dans ce sens.

L’effet du temps contre celui de l’argent montre que pour vendre quelque chose, faire référence au temps que nous allons passer avec un produit plutôt qu’à l’argent que nous allons dépenser pour l’avoir (ou même ce que nous allons économiser) provoque une réaction favorable.

Le biais d’attention fait que nous portons davantage d’attention aux choses qui nous touchent émotionnellement.

Le biais d’information désigne notre tendance à chercher davantage d’informations en pensant que cela nous mènera à prendre de meilleures décisions, même quand celles-ci sont inutiles.

L’effet des coûts irrécupérables montre que les individus peuvent être influencés dans leur décision de façon irrationnelle s’ils pensent qu’ils vont perdre le temps, l’argent ou les efforts qu’ils ont déjà investis, même s’ils l’ont été à mauvais escient.

L’effet de division de l’attention montre que notre cerveau a plus de difficultés à intégrer des informations reçues séparément que lorsqu’elles sont combinées.

L’effet d’engagement montre que faire une faveur à quelqu’un nous amène à l’apprécier davantage et à être plus enclin à lui en faire une seconde. L’effet inverse est également vrai.

L’effet de l’incertitude motivante montre qu’un système de récompenses dans lequel on introduit un degré d’incertitude peut augmenter l’investissement des individus.

Le biais de la tarification fragmentée est basé sur le fait que nous avons tendance à considérer un prix total comme moins cher si celui-ci nous est présenté divisé en plusieurs sous-totaux.

Le biais de la comparaison sociale montre notre tendance à nous évaluer en nous comparant aux individus qui nous sont proches ou de même niveau sociaux culturel plutôt qu’en valeurs absolues.

Le biais de la compensation du risque est basé sur la tendance humaine à prendre des risques plus importants lorsque les bénéfices sont perçus comme plus sûrs.

Le biais du risque zéro montre que nous avons tendance à préférer les options qui éliminent complètement les risques, même si opter pour le « risque zéro » n’est pas rentable et que d’autres solutions auraient été proportionnellement plus avantageuses.

Le ratio d’attention montre que les individus ont tendance à suivre une action s’ils restent focalisés sur celle-ci et que leur attention n’est pas divisée entre différents éléments.

Distorsion cognitive

Les distorsions cognitives entretiennent des émotions négatives. Elles contribuent ainsi aux troubles émotionnels tels que la dépression et l'anxiété ainsi qu'aux troubles de la personnalité.

La pensée « tout ou rien » ou « noir ou blanc »

Penser de façon dichotomique (polarisée) sans nuance : tout ou rien, noir ou blanc, jamais ou toujours, bon ou mauvais…. Il n'y a pas de place pour le gris. Par exemple : se voir comme un raté suite à une mauvaise performance. Cette distorsion est souvent présente chez les perfectionnistes.

L'inférence arbitraire (conclusion hâtive)

Tirer des conclusions hâtives (habituellement négatives) à partir de peu d'évidence. Par exemple : les suppositions sur la pensée d'autrui qui consiste à prêter des jugements possibles ou probables à une personne ou un groupe de personnes. Se complaire dans les prédictions négatives, cela consiste à prendre les suppositions émises sur la mauvaise tournure des événements pour des faits avérés.

La généralisation

Elle consiste à tirer une conclusion générale sur la base d'un seul (ou de quelques) incident(s). Par exemple : si un événement négatif (tel qu'un échec) se produit, s'attendre à ce qu'il se reproduise constamment.

L'abstraction sélective (ou filtre)

La tendance à s'attarder sur des détails négatifs dans une situation, ce qui amène à percevoir négativement l'ensemble de cette situation.

La dramatisation et la minimisation

Amplifier l'importance de ses erreurs et ses lacunes. Considérer un événement désagréable mais banal comme étant intolérable ou une catastrophe. Ou, au contraire, minimiser les points positifs et les réussites ou considérer un événement heureux comme banal.

La personnalisation

Penser à tort être responsable d'événements fâcheux hors de son contrôle ; penser à tort que ce qui arrive aux autres est lié à soi.

Le raisonnement émotionnel

Croire que nos états émotionnels correspondent à la réalité. Par exemple : considérer la peur comme une attestation du danger ; se dire « je suis stupide » plutôt que « je me sens stupide ».

Les croyances sur ce qui devrait être fait (fausses obligations)

Avoir des attentes sur ce que l'on devrait, ou que les autres devraient faire sans examen réaliste de ces attentes au regard des ressources disponibles dans la situation. Ce qui génère de la culpabilité et des sentiments de frustration, de colère et de ressentiment.

L'étiquetage

Utiliser une étiquette, c'est-à-dire un qualificatif qui implique un jugement négatif et une généralisation à outrance, plutôt que de décrire les comportements spécifiques. Par exemple : « Je suis un perdant » plutôt que de qualifier l'erreur.

Le blâme

Tenir à tort les autres pour responsables de nos émotions ou au contraire se blâmer pour celles des autres. 

Dossier réalisé par Bruno Teste 

Sources : Jean-Léon Beauvois ; Robert-Vincent Joule ; Stanley Milgram ; Kurt Lewin ;  Fritz Heider ;  Solomon Asch ; Daniel Kahneman ; Amos Tversky.

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