Réactions autonomes
Avec l’âge, on découvre que le stress et la fatigue n’ont pas forcément des effets immédiats. Il arrive que celui qui est en état de surmenage soit le seul à ne pas en avoir conscience. Avant l’accident, on a le pied collé à l’accélérateur et si quelqu’un nous objecte de ralentir l’allure, il n'est que rarement entendu.La fatigue, le stress, le surmenage ou l’hyperactivité, peuvent nous mener à une sorte d’excitation frénétique, où on est persuadé d’être dans la maîtrise et le contrôle de tous nos moyens. En fait, ce genre de cumul d’agitation finit par installer un état diffus d’anxiété et d’épuisement qui échappe surtout celui qui en fait l’objet.
La conséquence d’une telle conduite, est qu’elle nous mène tout droit à des réactions autonomes de notre esprit ou de notre corps. Telles des alertes, ces réactions somatiques sont là pour nous obliger à freiner, à ralentir notre allure, à prendre le temps de décompresser.
Ces réactions autonomes nous échappent, elles sont imprévisibles, elles jaillissent sans nous demander notre avis, elles peuvent prendre des formes très variées : blocage de dos, occlusion intestinale, exéma, état de phobie, insomnie, accident, dépression, chute, acte manqué, etc. etc. etc.
Ces réactions sont très déstabilisantes, car elles agissent souvent en décalé, On somatise par exemple après la période de surmenage, rarement pendant. On subit le contrechoc au moment où en pensais en avoir fini avec l’épreuve. En fait, lorsque ces réactions se manifestent, elles ne semblent pas avoir de causes immédiates.
J’ai vécu cela de nombreuses fois et j’avoue avoir mis beaucoup de temps à comprendre ce mécanisme. Malgré cela, il m’arrive encore de tomber dans ce piège en n'utilisant pas le frein quand il en est encore temps. Pour éviter ces réactions incontrôlables de notre esprit ou notre corps, il faudrait maintenir en permanence la bonne allure et ne pas se laisser emporter par les événements de nos vies, d’autant que ces événements ne sont pas forcément perçu comme dangereux ou gênants. Plus dure à faire qu’à dire…Relaxation, repos, lâché prise, sport, sommeil, hygiène alimentaire et de vie, sont les leviers qui nous permettent de nous prémunir contre les réactions incontrôlables de notre esprit et de notre corps. Il ne faut pas lésiner sur l’utilisation de ces leviers, car notre époque et notre environnement nous mettent à rude épreuve.
Notre propre capacité au bonheur
Il peut nous arriver de vivre des situations qui mettent en déséquilibre notre santé mentale, notre bien-être physique et moral, et ce en toute connaissance de cause. Que faisons-nous suite au vécu de ces situations ? La plupart du temps, on passe à autre chose. Ne serait-ce que pour oublier les moments désagréables par lesquels nous sommes passés. Mais que devient alors la charge mentale que nous avons reçue dans cette période ?
Elle est souvent oubliée, enfouie dans les tréfonds d’une mémoire que nous allons rarement visiter !On peut même parler de refoulement, si le préjudice que nous avons subit a causé en nous un traumatisme. Additionnées les unes aux autres, ces charges peuvent finir par nous fragiliser, nous rendre vulnérable.Quand nous avons vécu un traumatisme dont nous n’avons pas encore pu nous remettre, notre psychisme est comme figé, absent de lui-même, nous sommes alors incapables de faire le lien entre nos différentes émotions pour comprendre par exemple qu’une situation ne nous convient pas.
Cet état de sidération peut alors engendrer des mises en danger répétitives : nous ne sommes plus capables de savoir si quelque chose nous fait du bien ou du mal, parce que notre baromètre émotionnel est altéré. Notre psychisme est bloqué. C’est pourquoi, lorsque nous portons un traumatisme non surmonté, nous pouvons parfois être dangereux pour nous-mêmes.
Nous sommes dans l’impossibilité momentanée de reconnaître un événement perturbant. Dans sa quête de compréhension, notre appareil psychique peut être attiré par des situations ayant un potentiel traumatique similaire que celui que nous avons déjà vécu, non pas parce que notre esprit y a pris goût, mais parce qu’il cherche à assimiler, à comprendre le traumatisme dont il a été victime. Vivre un traumatisme une première fois peut donc nous pousser à le répéter jusqu’à ce qu’il soit compris.
Après un épisode traumatisant, nous avons tendance à passer à autre chose sans revenir sur les conséquences émotionnelles et les ressentis provoqués par ce que nous avons vécu. Nous laissons ainsi un résidu émotionnel s’installer en nous : une blessure, une déception, un regret, qui pourra ressurgir aux moments où nous ne l’attendons pas. Une crise passagère, une frayeur brève, une période difficile, peuvent une fois additionnées à d’autres éléments, se rendre maîtresse du jeu et nous empoisonner le quotidien.
Chercher à répéter un traumatisme que l’on a vécu pour le comprendre est souvent une démarche inconsciente. L’existence est faite de régressions et de bonds en avant. Notre psychisme ne suit pas toujours et il faut lui laisser le temps pour explorer et revisiter les événements à la manière d’un enquêteur qui aurait à faire à une énigme difficile. Le but étant de nous frayer un chemin jusqu’à cet équilibre intérieur qui nous permet de nous regarder d’un œil bienveillant et d’accepter la vulnérabilité qui nous compose. S’accepter et s’aimer, même à travers ses faiblesses est signe d’un solide équilibre. Quand nous restons accrochés sur des faits passés, sur des erreurs que nous estimons avoir commises, sur quelque chose que nous avons fait ou au contraire, ou sur chose que quelqu’un nous a fait, nous nous plaçons en position de résistance face à nous-mêmes, nous sommes à contre-courant de nos aspirations et la vie ne semble pas déposer sur notre chemin des circonstances qui cadrent avec ce que nous attendons.
Qui n’a jamais éprouvé de regrets ? Qui ne s’est jamais mordu les doigts en estimant qu’il aurait fallu faire ceci plutôt que cela ? Qui n’a pas passé des semaines à se ronger intérieurement, à cause d’un choix menant à des conséquences douloureuses assorti de l’impossibilité d’un retour en arrière. Ou encore à cause d’un proche qui nous a entraîné par sa conduite à vivre une situation d’échec.
Lorsque nous sommes pleins de crispations, de tensions, de colère, de peur ou encore de frustration, ce qui se dégage de nous est à l’opposé de notre élan naturel, de notre nature profonde. On finit par attirer à nous des événements, des circonstances, des personnes qui vibreront sur la même fréquence et généreront en nous encore plus de crispations, de tensions et ainsi de suite.
Chaque plainte, chaque déception, chaque regret, cache un besoin non satisfait. Cela vaut bien sûr pour les « attaques » qui viennent de l’extérieur, mais aussi pour celles qu’on se fait à soi-même (et il semblerait que ce soit l’activité favorite de beaucoup de gens bien malgré eux).Entendre et comprendre le besoin qui se trouve derrière chaque déconvenue nous permet de prendre soin de nous.
Pour nous autoriser à tourner la page, il est essentiel de reconnaître le ou les besoins qui demandaient à être satisfaits derrière notre déception.
Où que l’on en soit, et qu’il s’agisse de situations lourdes ou beaucoup plus légères, la clé est de nous mettre en contact avec le ou les besoins qui se cachent derrière notre attitude à ce moment-là.
Notre besoin était-il d‘être rassuré, de nous sentir aimé, d’être reconnu, valorisé, peut-être simplement d’être entendu et considéré ?
Quel était notre besoin à ce moment-là ?
Dès que nous prendrons contact avec ce besoin qui n’a pas été reconnu, quelque chose va s’ouvrir en nous et nous permettre d’entamer le processus d’apaisement.
Nous verserons peut-être des larmes, peut-être que nous ressentirons de l’amertume, mais ces regrets-là ne seront plus chargés de haine envers nous-même. Il s’agira simplement d’avancer vers l’acceptation et de prendre conscience du pourquoi véritable nécessaire à notre libération.
En prenant conscience de nos besoins profonds, nous allons pouvoir commencer à en prendre soin et sortir du piège de l’autodestruction.
Même quand il s’agit d’évènements qui ne sont pas dramatiques en eux-mêmes, nous sommes souvent perturbés par ces petits incidents de la vie parce que nous y avons réagi de façon impulsive en réponse à un besoin insatisfait. Adoptons de nouvelles attitudes libératrices, dorénavant, à chaque fois que l’on se sentira dévalorisé, que l’on sera en colère contre nous-mêmes, demandons-nous de quoi nous avons besoin au juste, et laissons venir la réponse tranquillement. De la même façon, quand c’est un autre qui nous fait un reproche, qui nous attaque verbalement, comprenons que c’est là aussi une façon maladroite de chercher à répondre à un besoin. Cette prise de conscience de nos besoins qui nous permettra de lâcher prise par rapport au passé, aux erreurs que nous estimons avoir commises et à tout ce que l’on peut regretter.Lorsque nous avons été déçus par des actions ou des décisions prises dans le passé, que nous laissons un événement qui s’est déjà produit nous tourmenter encore et encore, nous entraînant ainsi dans un cercle vicieux, nous nous enfermons dans une boucle qui ne nous permet pas de vivre pleinement dans le présent et nous lie à un passé irrésolu.
Surmonter l’épreuve signifie que nous devons reconnaître nos émotions négatives, en reconnaître la véritable origine et nous accorder les besoins profonds qui nous ont été refusés.
Surmonter est un processus progressif, cela ne se fait pas d’un seul coup, surtout si l’histoire qui pose problème est complexe. Pour surmonter, il est nécessaire de changer notre perception de la situation que nous avons vécue. Nous devons nous donner la permission d’aller de l’avant.
S’ouvrir aux sentiments sans se juger soi-même : accepter l’imperfection de notre parcours de vie, accepter ce qui est advenu malgré nous.
Pour guérir nos blessures émotionnelles, il faudra remplacer l’autocritique par de la compassion envers nous-mêmes. Nous aimer sans condition, nous accepter dans notre totalité, nos dons et ses vertus, mais aussi nos défauts et nos erreurs. Dans cette phase, s’aimer et se pardonner est fondamentalement la même chose.Soignons notre enfant intérieur, communiquons avec notre enfant blessé, donnons-lui toute la sécurité et l’amour inconditionnel dont il a besoin.
Il ne faut pas avoir peur de repartir à zéro pour construire une meilleure version de nous-mêmes. Si nous changeons, celles et ceux qui ont toujours été dans notre proximité, n’auront pas d’autre choix que de s’adapter à notre nouvelle version.
Ne perdons plus d’énergie à essayer de changer les autres, n'attendons plus une évolution de leur part, ne soyons plus vexé ou énervé par leurs conduites inadéquates.
Puisque qu'il est illusoire d'attendre de leur part un changement, alors changeons notre attitude à leur égard, apprenons à ne plus nous blesser, à ne plus arrêter leurs propos vexants, à ne plus nous fixer sur leurs déficiences ou leurs manques de réparties. Prenons du recul, laissons glisser, laissons-nous traverser sans ressasser le mal.
La seule personne que l'on peut réellement changer, c'est nous.
Si nous arrivons à construire une nouvelle version de nous-mêmes, le comportement de ceux qui nous nuisent ne nous atteindra plus en profondeur, il ne fera que nous traverser…Il ne fera que passer sans nous atteindre et de fait, ceux qui nous nuisent seront contraints de changer à notre égard.
Ne nous embarrassons plus avec ce qui appartient à l'autre. Les autres ne nous font du mal que parce que nous les y autorisons.
Demain peut devenir notre beau jour car nous avons tous notre propre capacité au bonheur.
Loyauté
Un processus de « loyauté » consiste à se faire subir ce qu’un proche ou le plus souvent un père ou une mère a elle-même subit. La « loyauté » dont je parle est inconsciente et totalement autonome de la raison, tel un programme qui manipule l’individu, il l’entraîne malgré lui dans son processus. J'ai souvent vu de tels phénomènes à l'œuvre autour de moi et les personnes qui en sont victimes n'en sont que rarement conscientes.
Ces phénomènes de « loyauté » s’expriment d’ordinaire par des actes de renoncement envers nous-même. Ses actes peuvent prendre des formes bénignes, mais malgré cela impacter toute une vie.
Une de mes amies était promise à un bel avenir professionnel, élève brillante, elle était en bonne voie pour devenir ingénieure. Mais juste un peu avant le moment où elle aurait pu cueillir son diplôme bien mérité, elle a décroché. Mon amie, comme sa mère est devenue mère de 3 enfants, comme sa mère elle est mère au foyer et totalement dépendante de son mari, comme sa mère elle a sacrifié son propre avenir pour éduquer ses 3 enfants. Pourtant mon amie est très dure avec sa mère, elle s’évertue sur des questions de détail à ne pas lui ressembler. Elle est souvent impitoyable dans les jugements qu’elle lui porte et la prive délibérément de son rôle de grand-mère.Si lors d’une visite, je venais à lui dire qu’elle a pris en définitive le chemin de sa mère, je pense qu’elle me mettrait immédiatement dehors en me demandant de ne plus jamais revenir. La vie de mon amie est un véritable acte de renoncement envers elle-même, vie où elle ne s’autorise quasiment aucun écart, exactement à l’image de sa mère qui ne s’autorisait même pas d’allumer le poste de télévision lorsque ses enfants étaient à l’école.
Un de mes bons amis, garçon intelligent, efficace et opérationnel en toutes choses a suivi son cursus scolaire comme tout un chacun. Il y était encouragé par ses parents, des gens comme lui intelligents, efficaces et opérationnels en toutes choses, mais qui de par leur parcours de vie n’avaient pas pu obtenir de diplômes. Ses parents avaient réussi professionnellement malgré cet handicape, mais en étant constamment pénalisés dans leur progression de carrière par cette absence de diplôme. Ceci a eu concrètement pour effet de les mettre en situation de voir des collègues plus jeunes et moins compétents qu’eux accéder aux postes de responsabilité qui auraient dû leur revenir. Les parents de mon ami se sont accommodés non sans frustration de cette situation tout en se résignant à la vivre. Mon ami se montrait souvent agacé par la posture résignée de ses parents. Bon élève, mon ami a raté 3 fois son BAC. Étrangement, à chaque fois, quelque chose semblait s’interposer entre lui et la réussite : une terrible migraine, le seul sujet qu’il n’avait pas révisé, une rupture la veille avec sa petite amie, etc. Aujourd’hui, comme ses parents, mon ami à plutôt bien réussi professionnellement malgré ce handicap, mais en étant pénalisés dans sa progression de carrière par son absence de diplôme. Ceci a eu concrètement pour effet de le mettre en situation de voir des collègues plus jeunes et moins compétents que lui accéder au poste de responsabilité qui aurait dû lui revenir. Mon ami, à l’image de ses parents, s’est définitivement résigné à accepter cette situation.
De tels scénarios répétitifs sont courants à qui sait les entrevoir. Les actes de « loyautés » peuvent prendre des formes plus aiguës, cela peut même amener une personne à s’infliger des blessures.Au cœur de ce processus, une part inconsciente de l’individu semble habité par un sentiment de culpabilité, celui de vouloir se libérer du scénario que ses géniteurs ont subit, cela même si le handicap que la personne endosse contredit le jugement sans concession qu'elle porte aux choix et conduites de ses parents.
Le lien de filiation peut nous entraîner malgré nous dans des agissements contre-productifs. Le petit enfant sensible qui survit au fond de chacun de nous, n’accepte pas forcément les postures que nous souhaitons adopter, et notre personnage raisonné et intelligible n’a pas forcément autorité sur le petit enfant sensible qui existe en nous, et c’est sans doute à travers lui que nos « loyautés » s’expriment. Comprendre l’origine d’un acte de « loyauté » ne nous en libère pas instantanément (quoi que), mais nous aide trouver le chemin qui nous mènera vers la libération.
Dossier réalisé par Bruno Teste